Tu as certainement suivi "l'affaire Godrèche". Actrice culte du cinéma français des années 90 et 2000, révélée très jeune dans les films de Benoît Jacquot, la comédienne a porté plainte en février 2024 contre ce dernier.
Dans une longue enquête du Monde, elle témoigne d'un quotidien étalé sur plusieurs années, fait de violences physiques, sexuelles, psychologiques. Entre relation d'emprise, domination, abus divers... A l'époque des faits relatés, il faut savoir que Benoît Jacquot avait 40 ans et Judith Godrèche, 14.
Mais si Judith Godrèche a témoigné de cela dans les médias, comme Médiapart, Le Monde et Télérama, et à la dernière cérémonie des César, il faut remonter quelques mois plus tôt pour comprendre que Judith Godrèche abordait déjà cela en sourdine dans une minisérie où elle est de tous les plans : actrice principale, créatrice, réalisatrice... Cette série est encore disponible gratuitement en streaming, sur le site d'ARTE.
Elle s'appelle Icon of French Cinema, et il s'agit d'une autofiction en plusieurs épisodes où Judith Godrèche incarne.... Judith Godrèche. Au vu des prises de parole nécessaires, lucides et, par les faits qu'elles énumèrent, souvent insoutenables de Judith Godrèche, je m'attendais à une série extrêmement pesante, dure, voire tout à fait accablante. Surprise : elle est blindée d'humour. Et j'ai trouvé ça totalement brillant !
Dans cette minisérie applaudie par les médias depuis novembre dernier, et que tu peux encore découvrir ici gratuitement, Judith Godrèche se met en scène sans le moindre filtre et avec une dérision absolue. Elle nous raconte son retour à Paris après des années passées à Los Angeles, un come-back qui va s'avérer hyper sinueux et compliqué, entre mépris du milieu, qui la confond avec Juliette Binoche, ego mal placé, propositions incongrues et... Confrontation éprouvante avec de vieux fantômes.
Je ne m'attendais pas à ce que cette série soit si aboutie, et surtout, si étonnante. Car Judith Godrèche va nous parler du sexisme du milieu du cinéma, du parcours de combattante des actrices une fois dépassé le cap de la quarantaine, des violences faites aux mineurs, de la révolution #MeToo, de l'emprise, de la toxicité, des traumas aussi... Mais avec une ironie d'une salutaire audace. La série regorge de séquences qui usent d'une dévastatrice dérision pour mieux tourner en ridicule le monde du spectacle.
Par exemple ? Entre deux flash back sur son adolescence, autrement dit sa manipulation par des adultes sur des plateaux de tournage et dans son intimité, l'actrice va participer à un improbable jeu télévisé style Mask Singer, qui la condamne à s'habiller... en hamster. Oui oui. Dans une minisérie volontiers douloureuse qui traite frontalement des violences sexistes et sexuelles. Et le feuilleton ne cessera jamais d'osciller entre humour absurde, parodie, mélancolie, souffrance contenue ou libérée...
Ce qui m'a retourné, c'est non seulement cette capacité de Judith Godrèche à passer si facilement d'un ton à l'autre, mais aussi, sa faculté à assumer tous les postes, de la mise en scène, qui propose de très beaux cadres léchés dans les instants les introspectifs, et l'écriture, piquante, à l'interprétation, qui permet à la comédienne de recycler ses "mimiques" les plus connues, de jouer tantôt à la diva, tantôt à la fausse "potiche"...
C'est brillant. Mais je n'ai pas envie de trop en dire car cette série regorge de séquences surprenantes voire volontairement désarçonnantes. Et c'est clairement l'un des meilleurs rattrapages de mon début d'année !