Comment faire le portrait d'une femme politique influente ? En interrogeant son père. En tout cas, c'est l'idée qu'a valorisé la célèbre émission d'investigation Complètement d'enquête, qui a dédié le 13 avril dernier un de ses reportages à Sandrine Rousseau. La députée écoféministe - c'est-à-dire aussi bien pétrie de convictions féministes qu'écologistes - a en retour taclé le fameux magazine, l'accusant de sexisme...
Dans ce numéro de "Complément d'enquête", on assiste effectivement à une interview en Charente-Maritime du père de Sandrine Rousseau, revenant notamment sur l'éducation et le caractère de sa fille. Réaction de la principale concernée ce 18 avril sur les ondes d'Europe 1 ? "Je suis vraiment très en colère".
Une émotion excessive diraient certains ? Eh bien pas tant que ça, en fait. La députée a de bonnes raisons d'être furax. Elle s'explique au micro : "C'est comme si le combat que je mène pour l'égalité femmes-hommes était un combat qui trouverait sa source dans la relation avec mon père. On ne fait pas ça aux hommes !".
Entre les lignes, on comprend où la personnalité politique souhaite en venir : impression d'être infantilisée (sentiment que connaissent tout de même peu de mecs), de devoir se justifier de sa lutte actuelle pour la planète et contre le sexisme, et surtout d'être ramenée à un homme qui serait forcément à l'origine de ses convictions personnelles... Une curieuse sensation d'hériter du titre pas forcément glorieux de "fille à papa", donc.
Tout cela, la principale concernée le résume d'ailleurs en une phrase cinglante, sur Europe 1 toujours : "Je suis vraiment très en colère qu'en 2023, sur une chaîne de la télévision publique, on en soit encore à faire des portraits de femmes politiques où on interroge leur papa pour savoir qui sont ces femmes !".
Une impression d'autant plus désagréable pour Sandrine Rousseau que son père lui-même, développe la principale concernée, aurait été surpris, et pas forcément dans le bon sens du terme, par le rendu final d'une interview apparemment très "cutée" - à l'origine, elle aurait duré près de quatre heures. La femme politique tacle : "Ils n'ont gardé qu'une petite phrase. J'ai eu mon père au téléphone et il était sidéré !".
Derrière la colère, on devine un brin de fatigue. Car ce n'est pas la première fois qu'un portrait de Sandrine Rousseau fait couler de l'encre, loin de là même.
En octobre 2022, un long article publié dans Le Monde faisait déjà largement réagir sur les réseaux en dévoilant un off, à savoir un SMS envoyé par la politicienne au journaliste : "Le soir de notre rencontre, la quinquagénaire nous envoie un texto : 'Pourriez-vous ne pas mettre dans l'article les larmes de tout à l'heure ? Je préférerais qu'elles restent entre nous...'", pouvait-on lire. Une demande qui n'avait pas été respectée, du coup.
"Sur Sandrine Rousseau, les journalistes parisiens perdent totalement le sens de la mesure, tant dans l'ampleur donnée au phénomène que dans leur traitement médiatique. Dégueulasse. Un conseil à toutes les rédactions : faites une pause dans votre obsession du moment. Faites du journalisme et lâchez-nous avec Rousseau, et lâchez-là", avait en retour dénoncé le journaliste Nicolas Framont (rédac'chef du site Frustration).
Un mood qui semble également être celui de la principale concernée aujourd'hui. Celle-ci ne cache pas son indignation. De quoi rappeler en douceur cette fameuse punchline de Ségolène Royal (ou Ségo) face à Nicolas Sarkozy (alias Sarko) en 2007, lorsque ce dernier conseillait à sa rivale (attention, paternalisme en force) de se calmer : "Je ne m'énerve pas, je me révolte, car j'ai gardé ma capacité de révolte intacte".
Presque mieux qu'un Rap Battle.