Des effets spéciaux dignes de La guerre des étoiles, dans un film français ! La mission semble impossible et c'est pourtant ce que promettent les responsables d'un véritable ovni - sans mauvais jeu de mots - qui porte le doux nom de L'empire. Actuellement en salles, cette production hexagonale traine avec elle un parfum de soufre.
Récit de bataille intergalactique en plein Nord-Pas-de-Calais (oui), L'empire (sans contre-attaque donc) est un projet extrêmement singulier, de par la seule personnalité de son cinéaste, le controversé Bruno Dumont. Capable d'expériences radicales d'une ultraviolence traumatique (Twentynine Palms) comme de comédies burlesques indéfinissables (Ma loute), cet auteur sans concessions réunit ici Camille Cottin et Fabrice Luchini, excusez du peu, dans un véritable space opera - sous-genre de science-fiction dont Flash Gordon, Star Trek et Star Wars font office d'étendards cinés.
"Sur L'Empire il n'était pas possible de lésiner sur les moyens alloués aux effets spéciaux. Très vite nous avons évalué l'argent qu'il nous faudrait pour modéliser les vaisseaux dans l'espace et les intégrer aux images. Il nous fallait à peu près 1,4 million d'euros. Nous voulions du grandiose, être à la hauteur de La Guerre des étoiles. Le budget total du film avoisine les 7,5 millions d'euros", se réjouit le producteur du film, Jean Bréhat.
Mais si tout le monde en parle, ce n'est pas seulement pour ça !
Rencontre mythique entre les chtis gars du Nord et les guerriers de l'espace, L'empire est une certaine idée du cinéma. Mais pas forcément celle de l'actrice et militante féministe Adèle Haenel. L'iconique "jeune fille en feu" de Céline Sciamma devait à l'origine figurer dans ce blockbuster frenchie. Mais elle a finalement quitté le projet pour différents artistiques. Plus précisément ? Elle a directement épinglé le cinéma de son auteur.
L'été dernier, l'on apprenait le départ d'Adèle Haenel du projet, critiquant un "scénario raciste, et développant : "Le réalisateur m'a proposé un rôle dans un film de science-fiction. Au début, je me suis dit que ça avait l'air très amusant : une sorte de Luke Skywalker dans l'espace. Le problème, c'est que derrière cette façade amusante, c'était un monde sombre, sexiste et raciste qui était défendu".
"Le scénario était truffé de blagues sur la cancel culture et les violences sexuelles. J'ai cherché à en discuter avec Dumont, car je pensais qu'un dialogue était possible. J'ai voulu croire pour la énième fois que ce n'est pas intentionnel. Mais c'est intentionnel. Ce mépris est délibéré. Tout comme ils se moquent des victimes, des personnes en situation de faiblesse".
Auprès du Monde, le metteur en scène Bruno Dumont a récemment réagi : "Elle a reçu le scénario la première, on s'est rencontrés deux jours plus tard, elle le trouvait fou et réjouissant, et on avait d'ailleurs réglé les réticences qu'elle avait. On devait tourner en 2020, mais ca ne s'est pas fait, pour des raisons d'argent et de Covid. Elle était toujours sur le projet, loyale et fidèle. Puis deux ou trois mois avant le tournage, elle a changé d'avis : elle trouvait le scénario raciste. Elle m'a fait la liste de toutes les récriminations que j'entends souvent sur mon cinéma. Je suis tombé des nues".
Un arrière-fond de scandale bien sonore donc, à quelques jours des César, cérémonie - diffusée ce 23 février sur Canal - qu'avait justement quittée avec fracas l'actrice, suite au sacre de Roman Polanski, il y a tout juste quatre ans de cela.
Comme souvent dès que Bruno Dumont sort un film, la critique crie volontiers au génie, louant pêlemêle un film "audacieux et monstrueux", un projet "délirant" dont le degré d'improbable tient du génie, ou bien encore une irrésistible comédie, à "l'étrange beauté hybride, mêlant profane et sacré". Il faut dire que mixer sabre lasers (dès l'affiche !), cabotinages de Fabrice Luchini, vaisseaux spatiaux et accent chti, c'est un concept.
Et une réussite ? Réponses en salles !