Pure Break : Quel a été le déclic pour que tu fasses de la musique ?
Still Fresh : Depuis que je suis tout petit, inconsciemment, j'étais attiré par la musique. Je me suis jamais dit qu'un jour je serais rappeur ou chanteur mais quand je regardais les clips à la télé, j'étais à fond dedans. Je cherchais des informations sur les artistes, je regardais les paroles... J'ai vu petit à petit des gens de mon entourage faire de la musique et ça m'a influencé.
Comment tu as commencé ?
Au tout début, c'était des petits freestyles de quartier avec mon acolyte S.Pri Noir. Ensuite, on a monté un label avec mon grand frère et un grand de ma cité, et après on louait des studios. Et de fil en aiguille, j'ai fait des rencontres etc...
Tu voyais déjà les choses à une grande échelle au début ?
J'ai commencé très jeune donc je pensais pas du tout à en vivre. Je le faisais pour le plaisir. Après il y a eu des rapprochements avec des maisons de disques, on a commencé à parler financier. Mais la motivation première, c'était vraiment de faire de la musique.
Dans "On n'est pas couché", Christine Angot a dit devant Grand Corps Malade qu'être artiste c'était toujours un plan B, que c'était une déception. Tu en penses quoi ?
Elle a dit une folie... Quand mon pote m'a envoyé ça, j'ai vraiment rigolé. Il y a combien de gens qui rêvent d'être artiste et qui n'y arrivent pas ? Etre artiste, ça n'a rien d'un plan B. Ça peut te tomber dessus mais c'est tout sauf une roue de secours. Pour penser ça, sa vie est nulle. Comment tu peux oser dire que c'est un plan B ? Quand on est artiste on crée des choses qui n'ont pas existé la seconde d'avant. Combien d'artistes ont contribué à la culture d'aujourd'hui ? Elle-même en écoute ou admire des oeuvres d'artistes. Donc c'est de la merde.
Ta famille t'a soutenu ? Ils t'ont pas dit : "Tu veux pas trouver un vrai travail ?" ?
Si, forcément ! Ma mère, ça ne l'a jamais dérangé que je fasse ça mais parfois quand il n'y a pas les retombées auxquelles on s'attend, on se pose des questions. C'est normal. C'est vraiment pas un manque de soutien, c'est le réalisme des parents. On s'inquiète un peu... On veut que son fils travaille au lieu de miser sa vie sur des espérances.
Dans "De jour comme de nuit", tu commences avec "Pour ce qu'on a, on a sué". Tu as beaucoup galéré ?
Franchement, j'ai beaucoup galéré. De mon côté, comme celui de Lacrim. On se connait depuis une dizaine d'années. On a déjà collaboré à l'époque. On a trimé chacun à notre manière. Je passais des heures en studio, à sortir des projets, à être écouté en underground comme on dit. Et puis, c'est un fait, en général, quand on accède à un certain stade, c'est qu'on en a chié. (Rires)
Pourquoi avoir choisi le nom de Still Fresh ?
Ça vient d'un film qui s'appelle "Fresh". A la base, je me faisais appeler Fresh. Je l'ai eu à 14 ans ce blaze. Le petit dans le film, on a à peu près le même âge, on a un parcours un peu parallèle. J'aimais bien.
Tu te considères comme un chanteur ou un rappeur ?
Je suis les deux. Si tu me dis que je suis un rappeur, ça ne me dérange pas car j'étais et je suis toujours rappeur. Pareil si tu me dis que je suis chanteur. La plupart de mes chansons les plus connues sont teintées de chant. Tu peux dire que je suis un artiste aussi ! C'est un peu plus romantique mais c'est ça. (Sourire)
Ton style a beaucoup évolué, dans l'image, le son aussi. Cet album "Coeur noir" est plus ouvert, plus abouti. C'était une démarche réfléchie ?
Franchement, c'est l'inclinaison naturelle que j'ai eu. C'est de la musique que je fais mais que j'écoute aussi. Si c'est radiophonique en soi, tant mieux. Après il y a aussi l'âge, l'expérience qui a fait que petit à petit un univers se dessine. C'est souvent le plus difficile pour un artiste. On peut tous copier ou s'inspirer, mais se créer son propre univers, c'est le combat d'une vie d'artiste.
Tu penses y être arrivé ?
Je dirais que je commence et je suis sur la bonne voie pour me démarquer.
Visuellement, l'album aussi est très soigné. C'est très important pour toi ?
Merci. Oui franchement, c'est limite aussi important, voire plus important, mais pas pour moi, dans l'impact que ça peut avoir. La musique aujourd'hui, elle ne s'écoute plus seulement, elle se regarde. Parfois, il y a des chansons, grâce à un clip, elles vont marcher. Le public ne consomme plus que de la musique mais des personnages. On le remarque dans tous les succès.
"Le rap ne mourra jamais car c'est une musique mutante"
Tu fais partie de cette nouvelle génération de rappeurs qui percent. Avant le rap n'était pas aussi populaire alors que c'est devenu un genre majeur en France, tout le monde en écoute. Comment tu expliques ça ?
Un jour, j'avais cette discussion avec Youssoupha, et si le rap marche autant c'est parce qu'il y a 47 styles différents dans le rap. Il y a du rap dansant, mélancolique, de l'ego trip, de l'afro... Le rap ne mourra jamais car c'est une musique mutante. Le rap a su s'adapter aux tendances du moment. Là, par exemple, c'est la mode de la musique africaine et ça a transformé le rap. Jusque dans très longtemps, voire pour toujours, le rap saura s'adapter et il aura toujours plus d'adeptes.
C'est dur de durer dans la musique. Tu y penses à ça ?
En premier lieu, l'essentiel c'est de faire de la qualité. Deuxième, il faut se remettre en question. Ça te permet de prendre du recul sur ce que tu es, ce que tu fais, sur ce que tu dégages auprès des gens. Et s'adapter aux tendances. Parfois, on peut essayer d'en créer mais il ne faut pas être à côté de la plaque. Il faut que les gens suivent.
Tu te vois où dans 10 ans ?
J'espère que j'aurai accompli toutes les choses que j'aurais entreprises. J'ai différents projets mais je ne peux pas encore en parler. J'espère être toujours dans la musique mais aussi dans d'autres domaines qui me passionnent tout autant.
Tu as des challenges comme remplir Bercy ?
Je ne me les dis pas clairement, peut-être que je devrais ! (Rires) Mais remplir ce genre de salles, tout artiste en rêve. Ceux qui disent le contraire, je n'y crois pas trop. Si ça pouvait arriver, tant mieux. Je travaille tous les jours pour.
Tu as un modèle dans le rap ?
Celui qui m'a marqué c'est Lil Wayne. Depuis que je suis petit. Déjà pour son talent en rap pur. Et pour son adaptation aux époques. Même si aujourd'hui on le voit moins, c'est sûr. Et pour l'influence qu'il a pu avoir. Il a fait preuve d'un avant-gardisme entre 2008 et 2012 qui fait que tous les artistes qu'on entend aujourd'hui ils ont tous une empreinte de Lil Wayne. Le côté autotuné, la voix un peu spéciale, l'expérimentation vocale. Il était tellement dans son monde qu'il en a créé un.
Il y a un artiste avec qui tu rêves de faire un duo ?
Peut-être Lil Wayne pour les frissons qu'il m'a procuré dans ma jeunesse. Mais j'aime bien Drake aussi.
Dans "Overdose", tu as un regard pessimiste sur la société, notamment sur les réseaux sociaux.
C'est vrai que notre génération a plein d'avantages avec les réseaux sociaux, les médias qui vont hyper vite. C'est positif comme ça peut être négatif. Ça va hyper vite mais ça part dans tous les sens. Même les gens pas connus, ils n'ont pas de vie privée. Et on regarde des vies qui n'existent pas en réalité, et on déprime car on croit que c'est la vérité.
Tu fais attention à ce que tu postes ?
Oui j'essaie de faire attention. Surtout au niveau de l'image. Il y a un public, des jeunes, et même des parents qui surveillent. Par respect pour eux mais aussi pour nous, on ne peut pas se permettre de poster n'importe quoi.
Tes titres parlent beaucoup d'amour. On n'hésite pas à écrire sur ses sentiments, sur ses failles quand on est un rappeur ?
Pour moi, c'est naturel. Je trouve que c'est plus courageux pour un rappeur de s'ouvrir et de parler de ses sentiments que de faire le voyou. C'est beaucoup simple de faire l'homme froid, sans sentiments, de se créer cette image. Moi je n'hésite pas à en parler.
Il y a eu les Victoires de la musique récemment avec le sacre d'Orelsan. C'est un truc dont tu rêves ?
Si c'était à l'image des Etats-Unis avec les Grammy Awards qui récompensent vraiment chaque genre de musique dont la musique urbaine, peut-être. Mais là, ils ne donnent pas trop d'importance au rap et je trouve ça dommage. Donc j'en rêve pas vraiment. Après, j'aimerais bien car ça reste prestigieux. Mais à cause de l'irrespect qu'ils ont pour la musique urbaine, je n'arrive plus trop à en rêver.
Tu prépares déjà un nouvel album ?
Toujours. En général, on ne s'arrête jamais. Quand les gens écoutent mon album, je suis déjà sur le prochain. J'ai déjà quelques morceaux, je peaufine, je me prends la tête pour que les sons reflètent ce que j'ai en tête. Je ne suis pas pressé car je veux faire en sorte de balancer de la qualité, mais ça arrive bientôt. Il y aura sûrement des vidéos, des titres qui vont arriver...
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Contenu exclusif. Ne pas reproduire sans citer PureBreak.com.