Ce n'est pas un tremblement de terre qui vient de frapper Hollywood, c'est une météorite qui s'est abattue sur toute cette industrie durant la nuit. Et comme dans les mauvais blockbusters américains ultra clichés, on doit cette catastrophe - qui aurait pourtant pu être évitée, à des dirigeants égoïstes incapables d'avoir une vision d'ensemble.
"Nous n'avons pas réussi à trouver d'accords avec les studios et les plateformes de streaming, a déclaré la Writers Guild of America (le syndicat des scénaristes américains) ce lundi 1er mai 2023. Nous allons donc entrer en grève dès que le contrat actuel prendra fin à minuit". Vous avez bien lu, les scénaristes (qu'ils travaillent pour les séries, talks show, télé-réalités ou encore le cinéma) sont désormais à l'arrêt.
En cause ? Alors que la WGA était en négociations avec l'Alliance of Motion Picture and Television Producers (qui regroupe 9 des plus gros studios à Hollywood) depuis le 20 mars dernier au sujet d'un renouvellement de contrat de trois ans, le syndicat a malheureusement vu ses revendications, pourtant légitimes, être balayées d'un revers de main par l'AMPTP.
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Ces dernières années, avec l'émergence des plateformes de streaming notamment, les conditions de travail des scénaristes ont progressivement évolué avec des contrats plus courts et une redistribution du droit d'auteur malmenée, ce qui a fatalement entraîné une baisse des salaires et une précarisation du métier. Selon la WGA, là où 33% des scénaristes pour les séries/émissions télé étaient payés au salaire minimum en 2013, ils sont désormais 50% à l'être aujourd'hui.
Une situation invivable pour les principaux concernés, souvent obligés de vivre à Los Angeles ou New York pour le travail (deux des villes les plus coûteuses du pays), et d'autant plus injuste que le monde des séries n'a jamais été aussi important. En 2022, 599 séries/émissions originales étaient diffusées aux USA, quand il n'y en avait que 210 en 2009. La folie.
Une affaire sans importance pour nous ? Pas du tout. On s'en souvient, un mouvement d'une telle ampleur avait déjà frappé Hollywood entre 2007 et 2008 où, durant 100 jours, près de 12 000 scénaristes s'étaient mis en retrait afin de faire entendre leurs droits. Résultat ? Selon l'institut Milken, l'industrie avait énormément souffert durant cette période avec la suppression de 38 000 jobs en coulisses et la perte de 2,1 milliards de dollars.
De façon plus visible et notable, cette grève avait notamment mis à l'arrêt les talk-shows quotidiens qui, faute d'auteurs pour couvrir l'actualité et écrire les blagues, n'avaient plus de contenus à offrir. Un vrai coup de massue pour ces formats institutionnels, qui est déjà voué à se répéter cette année. Cela vient d'être confirmé, les programmes de Jimmy Fallon, Stephen Colbert ou encore Jimmy Kimmel et Seth Meyers ne seront plus diffusés dès cette semaine.
Côté séries, rien n'a encore été annoncé. En revanche, si l'on s'intéresse de près à l'impact du mouvement en 2007, on peut craindre de nombreuses situations frustrantes avec des saisons sans fin ou incohérentes. A l'époque, de nombreuses saisons de séries avaient en effet dû être raccourcies puisque, au terme de la grève, les équipes n'avaient plus eu suffisamment de temps pour compléter les plans initiaux. A cet effet, la saison 1 de The Big Bang Theory n'avait été composée que de 17 épisodes sur les 22 prévus, la saison 3 de Esprits Criminels n'avait bénéficié que de 20 épisodes sur 25, la saison 4 de Desperate Housewives n'avait pu compter que sur 17 épisodes sur 23, et la saison 4 de Grey's Anatomy n'avait proposé que 17 épisodes sur les 23 envisagés.
Mais ce n'est pas tout, à l'instar de ce qu'il s'est passé en 2007/2008, cette grève va logiquement repousser de quelques semaines/mois la production de certaines séries, ce qui pourrait ainsi décaler encore plus leur sortie sur nos écrans. Autrement dit, n'espérez pas découvrir la saison 5 de Stranger Things, la saison 2 de The Last of Us ou celle de Rings of Power avant très longtemps dans le cas où ce mouvement viendrait à s'éterniser.
Enfin, et c'est le plus dramatique, préparez-vous également à dire adieu à des séries. Là où l'avenir de certaines fictions était déjà incertain en raison d'audiences décevantes, les chaînes / plateformes de streaming pourraient profiter de la situation pour limiter les frais en les annulant afin de ne pas avoir à payer inutilement les équipes. Et forcément, cela impliquerait des conclusions bâclées, voire... absentes. Ce fut notamment le cas des 4400 qui restera à jamais sans fin, tout comme Bionic Woman, Men in Trees ou encore Girlfriends.
A noter que cette grève pourrait également motiver les plateformes de streaming à revoir leur modèle, un peu à la manière de ce qui avait été mis en place durant l'épidémie de Covid-19, que ce soit en décalant la sortie de leurs projets ou bien (pour Netflix) en optant pour des diffusions hebdomadaires afin de garder du contenu en stock jusqu'à ce que les productions reprennent. A ce rythme-là, on pourrait faire face à une pénurie de nouveautés d'ici la rentrée / fin de l'année et donc... à des locations de licences d'anciennes séries / anciens films par les plateformes pour continuer à nourrir les catalogues.
Pour l'anecdote, sachez que le monde du cinéma sera impacté tout autant. Pas dans les prochains mois, mais sur le long terme. Avec cette grève, certains projets à peine lancés pourraient être jetés à la poubelle (la faute à des problèmes de plannings par exemple), quand d'autres pourraient être repoussés de plusieurs mois.
Le pire ? On pourrait se retrouver avec de nouveaux projets façon James Bond - Quantum of Solace qui, à cause d'une production déjà pleinement lancée et coûteuse, pourraient voir les équipes improviser en direct en réécrivant à leur sauce certaines séquences pour combler les vides ou défauts. Or, écrire c'est un métier et quand les "remplaçants" sont novices dans le domaine, il ne faut pas espérer autre chose que des résultats bancales.