Son nom n'est peut-être pas le plus connu, mais Takaya Imamura a pourtant longtemps été l'un des créatifs les plus importants chez Nintendo, qu'il a quittée en 2021 après trente-deux années passées au sein de la compagnie. Durant sa carrière, l'artiste a notamment participé à la création des franchises F-Zero et Star Fox, que ce soit au niveau de l'histoire ou des characters design, mais il a également été le directeur artistique du jeu The Legend of Zelda: Majora's Mask.
Une carrière déjà bien remplie qui a finalement pris un tournant inattendu mais passionnant en 2022 quand Takaya Imamura s'est associé à Omake Books afin de donner vie à Omega 6, son premier manga, actuellement disponible dans toutes les librairies. Une nouvelle expérience qu'il compte bien poursuivre et sur laquelle l'artiste japonais a accepté de se livrer à notre micro à l'occasion d'une interview exclusive.
"C'est très difficile de dessiner un manga"
Après 30 ans de carrière dans le jeu vidéo, quel a été le déclic qui vous a poussé à créer ce manga ? C'est une envie qui a toujours été en vous ?
Effectivement, devenir mangaka ca a toujours été un rêve d'enfant. Quand j'étais gamin, je rêvais de dessiner des mangas. J'ai eu cette opportunité de me dire, "Voilà, maintenant je peux essayer de réaliser ce rêve". D'avoir un manga publié, c'était pour moi un rêve à concrétiser.
Quand on parle de mangas, on pense immédiatement à de longues séries. Pourquoi avoir opté pour un format one shot ici ?
En réalité, c'est mon premier manga. Je ne me considère pas encore comme un mangaka professionnel. Donc plutôt que de me lancer dans une série à rallonge, ce que j'aimerais bien sûr faire un jour, le défi était déjà de savoir si j'allais réussir à faire un premier manga. C'était déjà un gros défi. Et je suis content de l'avoir relevé.
Justement, étant donné qu'il s'agit de votre premier manga, sa création a-t-elle été plus difficile que vous ne l'aviez anticipé ?
Très clairement, je pense que si j'avais dessiné ce manga avec les techniques de l'époque, c'est à dire sur papier avec des calques, je pense que je n'aurais jamais pu le terminer. C'est très difficile de dessiner un manga. Aujourd'hui, j'ai pu le faire avec des technologies bien plus modernes. J'ai fait le mien sur iPad et franchement, les technologies d'aujourd'hui nous permettent de gagner un temps phénoménal. La création m'a été vraiment facilité par ça. Sinon, j'aurais eu du mal.
"Aujourd'hui, on peut vraiment dessiner n'importe où, n'importe quand"
Etiez-vous en contact avec d'autres mangakas durant la conception d'Omega 6 afin d'obtenir des conseils et partager vos travaux ?
Non, j'ai vraiment été tout seul pour créer l'intégralité de mon manga. Je n'ai demandé de conseils finalement à personne. Après, il faut aussi savoir que j'avais derrière moi l'expérience acquise chez Nintendo pendant plus de trente ans. Mon travail était de fabriquer des jeux qui se vendraient au public, donc j'avais déjà cette expérience, ce savoir sur ce qu'il fallait faire pour vendre un produit. Et puis le fait de dessiner un manga sans la pression d'une société derrière, ça a été pour moi une libération. Je me disais 'Quitte à faire un truc tout seul, autant que ce soit quelque chose qui me plaise', donc j'ai vraiment pu tout décider de A à Z, libéré de toutes contraintes.
A ce sujet, quand on crée un manga tout seul, à quoi ressemble une journée type ? Cette solitude n'est-elle pas trop pesante ?
Ce qui est incroyable avec les nouvelles technologies, c'est qu'il n'y a plus vraiment de journée type. Moi par exemple, je dessine sur iPad. Je suis aussi devenu professeur à l'université, j'enseigne dans une école de jeux vidéo. Aussi, dès que j'ai un peu de temps libre je dessine mon manga, j'avance la suite. Dernièrement, il m'est arrivé d'aller faire le contrôle technique de ma voiture et quand on m'a dit que j'allais en avoir pour deux heures, je me suis posé dans la salle d'attente et pendant ce temps j'ai dessiné mon manga chez le concessionnaire. Ca ressemble à ça aujourd'hui la vie d'un mangaka quand on dessine sur iPad. On peut vraiment dessiner n'importe où, n'importe quand et c'est vraiment incroyable.
Quand on découvre Omega 6, on y retrouve évidemment un style japonais, mais on décèle également une ambiance semblable à certains comics. Certains auteurs vont ont-ils influencé durant votre parcours ?
C'est vrai, c'est quelque chose que l'on m'a souvent dit, que je n'avais pas un style totalement japonais. Même là-bas, on me dit que j'ai un style un peu différent. C'est peut-être ce qui fait ma personnalité. Mais après je dessine de façon naturelle, je n'ai pas cherché à m'inspirer de quelque chose en particulier. Cela dit, j'ai quand même eu une influence quand j'étais gamin. Je lisais un magasine de science-fiction qui s'intitulait Starlog et dans lequel on y trouvait régulièrement des illustrations de Moebius. Et lui m'a beaucoup influencé. J'ai beaucoup aimé son travail. Donc j'ai probablement tiré des influences de sa part quand j'étais plus jeune.
"Je pensais dessiner quelque chose de beaucoup plus violent"
Et concernant votre précédente carrière dans le jeu vidéo, vous a-t-elle aidé dans la création de ce manga ?
Ce qui m'a le plus servi c'est la niaque acquise dans ce milieu, le fait de me dire que j'irai jusqu'au bout de ce projet même s'il est difficile. L'autre chose qui découle directement de mes expériences chez Nintendo, c'est ma façon d'écrire. Initialement, je voulais faire un manga qui soit un peu plus violent. Je me disais qu'il y avait des katanas, de l'action... ça risquait d'être un peu trash. Et je me suis rendu compte en dessinant que ça restait ultra soft en réalité, alors même que je voulais et pensais dessiner quelque chose de beaucoup plus violent. Ca, je pense que ça vient directement de mon expérience chez Nintendo où l'on faisait du jeu pour tous, où l'on se contrôlait dessus. Ce background de toutes ces années passées là-bas, je pense que ça a joué. Le fait d'arriver à dessiner des choses qui s'adressent à tout le monde.
On parlait tout à l'heure du fait qu'Omega 6 était présenté comme un one shot, mais la fin du manga reste pourtant très ouverte. Doit-on comprendre qu'une suite est en réalité possible ?
Oui, moi j'ai dans mon esprit l'envie, la volonté d'en faire une trilogie. Donc là je travaille sur un deuxième volume et j'espère que l'opportunité me sera donnée d'en faire un troisième après.
Omega 6, édité par Omake Books, est actuellement disponible en librairies.
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