Peut-on parler de "cinéma d'acteur", comme les critiques des Cahiers du Cinéma et cinéastes de la Nouvelle Vague parlaient de "cinéma d'auteur" ? Cette théorie dite de la "politique des auteurs" développée par la bande à François Truffaut suggère que le metteur en scène était l'auteur de ses films, oeuvres témoignant d'obsessions et motifs qui lui sont propres et personnels. Mais quand on s'intéresse à certains comédiens, on se dit que cette théorie marche aussi pour les acteurs.
En tout cas, dans le cas d'une certaine star, c'est indéniable : Pierre Niney. L'acteur, au coeur de l'événement cinéma de ce début d'été - la sortie du blockbuster français Le Comte de Monte-Cristo, gros projet du producteur Jérôme Seydoux (Pathé) après le diptyque des Trois Mousquetaires - dévoile dans ce film d'envergure des thématiques et images qui parcourent son entière filmographie. Dans la peau d'Edmond Dantès, homme séquestré donné pour mort pour revenu "à la vie" pour se venger, Niney cligne de l'oeil à ses autres films.
Mais de quelle manière précisément ? On t'explique.
En découvrant Le comte de Monte Cristo, fresque d'aventures de trois heures où l'acteur côtoie Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte, Bastien Bouillon et Vassili Schneider, on se remémore spontanément les meilleurs films, et même séries, de l'acteur de cinéma et ancien sociétaire de la Comédie Française.
Le personnage d'Edmond Dantès est un homme qui va se déguiser afin de tromper ses anciennes connaissances, et ainsi les manipuler dans un but revanchard. Pour ce faire, il se déguise. Et arbore des masques. Les masques, c'est le grand symbole du tragique Sauver ou périr (disponible sur Netflix), drame sur un pompier grand brûlé qui, le visage recouvert de bandages, va découvrir les peintures cauchemardesques de l'Américain James Esnor. Des tableaux célèbres représentant... Des masques de carnaval, des individus défigurés, des visages déformés par la gouache.
Puisqu'il se travestit, Edmond Dantès n'a de cesse de mentir. C'est aussi le cas du personnage de Pierre Niney dans Un homme idéal, thriller azuréen où le comédien incarne un romancier escroc, devenu célèbre pour un best seller... Qu'il n'a pas écrit, mais qu'il a volé. Idem dans le mélodrame en noir et blanc Frantz : dévoilant sa plus subtile partition, il y joue un mystérieux inconnu français prétendant avoir bien connu le défunt mari (Frantz, donc), disparu à la guerre, d'une jeune femme allemande. C'est encore une fois l'histoire de leurre.
Mais ce n'est pas tout. Dans la toute récente série Fiasco, à découvrir sur Netflix, et dont il est le co-créateur, Pierre Niney interprète un metteur en scène qui pour maintenir à flots un tournage catastrophique va devoir tromper son monde en permanence, mentir, manipuler. Et il comprendra d'ailleurs, SPOILER, que tout ce pour quoi il se combat n'est qu'une immense supercherie. Là encore. En fait, puisque l'on retrouve la même team, on peut y voir un clin d'oeil à la comédie Five, où le personnage de Niney... Ne fait que mentir, là encore. Il n'ose avouer être dans l'incapacité de payer le loyer de l'appart' qu'il occupe avec ses amis, et ce non-dit suscite moult péripéties.
Un homme qui se fait passer pour ce qu'il n'est pas, c'était déjà le synopsis du tout premier grand rôle de l'acteur Césarisé : dans le film d'auteur J'aime regarder les filles, un tout jeune Pierre Niney incarne un amoureux de classe populaire se faisant passer pour un homme aisé afin de séduire sa dulcinée.
Pierre Niney est-il conscient de cette thématique obsédante qui réunit tous ses films et séries ? En tout cas, il semble fasciné par le motif du masque. Il en vient carrément à comparer Monte-Cristo à Batman. "Il y a tout d'abord les masques, et le changement d'identité. Les deux ont également connu l'injustice. Et deux ont des moyens colossaux pour accomplir ce qu'ils pensent être la justice", décrypte-t-il à Première.
Mais par-delà de Batman, c'est bien du "Niney-Verse" dont il est question ! Un univers qui témoigne de leitmotivs intimes... Et fascinants.