Tout a commencé sur une plateforme Discord aux alentours du 20 juin. Evan, l'un de ceux qui a lancé le mouvement "Etudiants sans Master" sur les réseaux, discute avec d'autres étudiants des réponses négatives qu'il a reçues après avoir postulé à une trentaine de masters. Le jeune homme, diplômé d'une licence de droit privé à Perpignan, se rend rapidement compte qu'il est loin d'être le seul à avoir reçu tant de refus. Avec une poignée d'étudiants, il décide de lancer le hashtag #EtudiantsSansMaster. 3 jours plus tard, sa "bouteille à la mer" se retrouve parmi les sujets les plus discutés sur Twitter.
"Avec la pandémie, les étudiants étaient oubliés. Avec cette sélection, on a le même ressenti de ne pas avoir été entendu" nous confie Evan lors d'une interview organisée quelques semaines après le début du mouvement "Etudiants sans Master". Comme de très nombreux diplômés de licence, c'était la douche froide pour lui vers le 20 juin, lorsqu'il a commencé à recevoir de nombreux mails de refus pour la rentrée. Avec le hashtag #EtudiantsSansMaster, Evan et les autres ont voulu alerter sur les difficultés des étudiants et dénoncer la réforme du master.
Depuis 2017, la sélection pour l'entrée en master se fait désormais à la fin de la licence, lors de l'entrée en M1 (alors qu'elle avait lieu auparavant à l'entrée en M2). Résultat ? Moins de places disponibles pour les élèves. Mais ce n'est pas le seul problème : le nombre croissant d'étudiants souhaitant poursuivre leurs études au-delà de la licence et le manque de moyens (qui empêche le recrutement de profs et donc l'ouverture de nouvelles formations) sont aussi à déplorer, nous rappelle Evan. S'ajoute à cela le système de sélection, ressenti comme injuste. "Les motifs [de refus] sont souvent bancals, ils ne peuvent pas faire des motifs individuels." explique l'étudiant. "Je ne jette aucunement la pierre aux professeurs qui subissent aussi cette sélection." précise Evan.
Comme de très nombreux étudiants, Evan a essuyé refus sur refus. Une quinzaine au total sur une période de quelques semaines. Un moment difficile pour ce jeune diplômé. "Je m'attendais à ce que la sélection soit dure mais je m'attendais pas à me retrouver sans master (...) Je ne vivais plus pendant des semaines. J'ai même dû déconnecter mais, même sans réseau, j'ai reçu des refus. (...) Au niveau de l'égo, c'est difficile et mentalement, c'est compliqué, on se dit qu'on est nuls, qu'on a fait 3 années en licence pour avoir un diplôme qui ne sert à rien." Aujourd'hui, Evan a décroché une place en master qui n'était pas son premier choix. Mais certains, face à ces refus, ont déjà jeté l'éponge : "Il y en a qui ont abandonné, j'ai des témoignages qui me disent cela" explique l'étudiant. Des recours existent pour assurer la poursuite des études malgré les refus mais les démarches sont compliquées, souligne-t-il.
Si Evan est conscient qu'il est trop tard pour sa promotion et que la situation est "désastreuse" pour de nombreux étudiants, il espère désormais pouvoir faire bouger les choses. Pour ce faire, une pétition est en ligne pour alerter sur les difficultés de la sélection en master. Mais ce que les étudiants veulent, c'est surtout de la considération de la part de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur. "On voudrait un peu de considération de notre ministre qui est censée nous représenter et qui envoie sa directrice générale "au front"" nous confie Evan, qui souhaite que Mme Vidal prenne "ses responsabilités."
Afin que cela ne se reproduise pas, les étudiants espèrent une augmentation des effectifs en master et des moyens à la fac. En réponse, de nouvelles places ont été annoncées. Pas assez selon Evan. "C'est comme jouer les pompiers avec un arrosoir", explique-t-il. Il faudra donc un vrai changement pour que ce schéma ne se reproduise pas.