On ne peut pas dire que Robert De Niro soit étranger à la France. En plus d'aimer nos vignobles (original !) on a pu l'apercevoir dès 1965 en tant que figurant dans un film du grand Marcel Carné (oui oui), notre Agnès Varda nationale a eu l'honneur de le diriger le temps d'un métrage (Les cent et une nuits de Simon Cinéma), sans oublier son amour de la Nouvelle Vague, et sa collaboration au sein de certaines fictions avec quelques comédiens hexagonaux, comme Gérard Depardieu et Jean Reno pour ne citer qu'eux.
Mais tourner intégralement en France, ça, Robert De Niro l'a rarement fait. Surtout en mode Mission : Impossible : dans le cadre d'une oeuvre d'action haletante qui ne ménage pas son public et déploie le grand spectacle cher aux productions américaines. Et c'est précisément ce qu'est le mésestimé Ronin (1998), divertissement aussi insolite qu'efficace à rattraper sur le site d'Arte, gratuitement en streaming, ici-même.
Ronin, terme qui désigne un samouraï déchu (étonnant qu'Orelsan n'en ait pas encore fait un titre), c'est un film de braquage pensé dans les règles de l'art. Une troupe de spécialistes doit s'emparer d'une mallette et ainsi concocter un minutieux plan pour ce faire, aussi risqué et précis qu'explosif. Aventure qui mènera notre joyeuse bande, notamment constituée de "Bob" De Niro et de Jean Reno, à voyager... De Paris à Nice !
Et ce challenge ne fut pas de tout repos pour la capitale...
Ronin serait-il un énième décalque du film de braquage, ou film de casse, supplanté trois ans plus tard par l'indépassable Ocean's Eleven ? Heureusement non ! Car le gros parti pris du cinéaste John Frankenheimer, c'est de ponctuer son récit, étrangement très posé, minutieux et calme, par quelques fracassantes scènes de course-poursuite "à l'ancienne", bien réelles, risquées, spectaculaires, et dangereuses à souhait.
De quoi faire un brin trembler les équipes... Et la capitale avec. Effectivement, relatent nos confrères d'Allociné, on sait notamment que certaines scènes ont exigé de faire rouler des voitures à toute blinde - 160 km/h pour être plus précis - tout au long du tunnel des Halles ! Sans oublier, dans la dernière partie du film, toutes ces séquences de tôles froissées qui ont imposé de brûler l'asphalte... A contresens.
Le périphérique parisien s'est donc retrouvé aux mains du metteur en scène, de ses cascadeurs et superviseurs. Ou presque. Evidemment, il fut parfois nécessaire de donner l'illusion du réel. Mais cela a également un coût. Par exemple, un quartier entier de Montmartre a dû être intégralement reconstitué. Un passage au studio tout à fait indétectable.
Et la force de ce film ayant malmené pas moins de 300 véhicules différents, c'est justement sa véracité topographique. On reconnaît le bitume parisien. Loin des visions carte-postale d'une production Tom Cruise - certes savoureuse - Ronin n'hésite pas à nous promener dans des rues grises et taguées. Autrement dit : le vrai Paris, que l'on côtoie au quotidien. Ce qui ne rend que plus réalistes ces séquences de courses-poursuites à quatre roues hautement suicidaires. On est un brin loin du "parisian dream" donc, mais au coeur d'un vrai film d'action, qui sait ménager ses effets, et oscille entre séquences progressives et "climax" afin de rendre plus impactants ces pics de tension.
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Bel hommage à Paris, d'autant plus que John Frankenheimer semble cligner de l'oeil à un cinéaste bien de chez nous : Claude Lelouch. Dans son impressionnant court-métrage C'était un rendez-vous, tourné en 1976, le réalisateur d'Un homme et une femme nous proposait effectivement en un seul plan ininterrompu une (bien réelle) traversée de la capitale en Mercedes (mais avec un bruit de Ferrari !), à toute blinde, durant 7 minutes et 52 et à 5 h 30 du matin.
Un moment de cinéma légendaire sauf... Pour les moniteurs d'auto-école.