La classe. En remportant la Palme d'or pour son film Anatomie d'une chute, Justine Triet est devenue la troisième femme cinéaste (seulement, oui) à remporter le prix ultime, et la deuxième réalisatrice française ainsi couronnée, deux ans après Julia Ducournau et son ovni Titane. Tu ne connais peut être pas Justine Triet, c'est dommage : avec sa comédie Victoria, puis son drame psychologique Sybil, elle fut la première à offrir à Virginie Efira des partitions d'exception, complexes et riches. Depuis, l'actrice Césarisée a enchaîné les tours de force.
>> Festival de Cannes 2023 : voici pourquoi cette édition est vraiment historique pour les femmes <<
C'est dire si cette victoire sous le soleil cannois n'est que justice. Mais ce n'est pas seulement pour ça que ce sacre a été particulièrement remarqué. Car à la remise de la Palme a succédé une curieuse scène : venue remettre le prix, l'icône hollywoodienne Jane Fonda a finalement jeté le diplôme qui lui est associé... à la tête de la cinéaste, alors que celle-ci quittait la scène en l'ayant purement et simplement oublié.
Ca n'a l'air de rien, mais ce geste a fait l'effet sur Twitter d'un coup de lance-flammes sur une station essence. Cette séquence d'une poignée de secondes a effectivement été relayée à foison par les internautes et les polémistes, qui n'ont manqué de la décortiquer passionnément. Oui oui.
Sur Twitter, certains - pas les plus jouasses à l'idée que Justine Triet remporte la Palme - ont vu là un signe de protestation virulent de Jane Fonda contre le discours de victoire de la cinéaste. Un discours plutôt virulent au sein duquel notre grande gagnante nationale dénonçait notamment la manière "choquante" dont le gouvernement avait "nié" les mobilisations contre la réforme des retraites, banalisant à ses yeux tout un "schéma de pouvoir dominateur".
Un discours qui a suscité beaucoup de soutiens, mais aussi de critiques sur la Toile. Des twittos qui semblent davantage appartenir au second camp ont réagi au lancer de prix très spontané de Jane. On a pu lire notamment ce tweet très commenté : "Autre image : la colère de Jane Fonda, militante américaine, égérie de ceux de qui ont lutté contre la guerre du Vietnam et pour les droits civiques, ulcérée par la cuistrerie d'une militante française".
Jane Fonda, carrément énervée contre la réalisatrice ?
Drôle d'interprétation, dans la mesure où Jane Fonda est l'une des stars hollywoodiennes les plus "gauchos" ever et ce depuis plus d'un demi siècle déjà. On te résume le CV : militante pacifiste mais aussi fière opposante de la politique de Richard Nixon, défenseuse des droits des femmes et de la gauche dite "radicale", manifestante dénonçant aussi bien le sexisme que l'inaction des gouvernements actuels contre la crise climatique...
Même octogénaire, Jane Fonda se fait encore menotter par la police, tout sourire, au sein des nombreuses manifestations auxquelles elle assiste toujours - elle y brandit le poing. Sa nouvelle source d'inspiration politique, dont elle clame souvent le courage ? Elle n'a que vingt ans, est suédoise et s'intitule Greta Thunberg...
C'est dire à quel point on peine vraiment à croire que ce lancer de diplôme cannois à la tête de Justine Triet soit un signe de véhémence. On imagine que Jane Fonda et la réalisatrice française partagent certainement bien des convictions, notamment lorsqu'il est question de "pouvoir dominateur" et d'indignation sociale.
Sur Twitter, beaucoup le pensent d'ailleurs : "Les gens qui pensent que Jane Fonda peut être énervée par un discours revendicatif de gauche renseignez-vous un peu sur son CV. Parce que vous faites un peu pitié", "J'adore ces gens qui disent qu'ils ne connaissent pas Jane Fonda sans dire "je ne connais pas Jane Fonda", "C'est clair elle a pas fait ça contre elle, et c'est très américain comme réaction pour faire rire l'assemblée".
Alors, comment expliquer ce geste plutôt incongru sur les bords ? Peut être faut il juste y voir un acte anodin, une petite taquinerie de la part d'une artiste qui se soucie peu d'être en décalage ou de faire jaser. A trop insister sur ce gag absurde, on en oublie l'essentiel : une femme engagée qui remet un prix exceptionnel à une autre femme engagée, célébrant la portée féministe du septième art. Et c'est surtout ça qui compte, non ?