Comme chaque année depuis quatre ans, le 5 juin a déboulé un événement important en Seine-Saint-Denis : la "Pride des banlieues". Autrement dit, un "Mois des fiertés" des banlieues. Etendu tout au long du mois de juin, le "Pride month" est l'occasion de célébrer les cultures LGBTQ (gays, lesbiennes, bisexuelles, trans, queer), et la communauté qui en est la fière représentante, mais aussi ses figures historiques. Et la "Pride des banlieues" en est la nécessaire déclinaison.
Nécessaire, car la fierté gay, le coming out, l'homosexualité tout court, sont encore tabous dans bien des endroits, au sein et par-delà la banlieue. Et, trop souvent, les homos, et les lesbiennes, sont la cible d'une homophobie et d'une misogynie crasses, sous couvert de virilisme. C'est pour combattre ça, on s'en doute, que l'émission Quotidien a dédié tout un reportage à cette célébration le 5 juin dernier sur TMC, immersion menée par le journaliste Azzeddine Ahmed-Chaouch.
Mais spoiler alert : le reportage en question n'a pas du tout, mais alors pas du tout plu. La Pride des banlieue exige carrément un droit de réponse. Pourquoi ? On t'explique tout.
Dans ce reportage, Azzeddine Ahmed-Chaouch recueille les voix des personnes concernées. Mais la séquence vire carrément à la rixe lorsque deux jeunes hommes présents s'en prennent à une femme, et lui commandent avec autorité... de cacher son drapeau algérien. Insultes en bonus : "Enlève le drapeau de l'Algérie", "Enlève le drapeau où je te nique ta mère", "Nique ta mère !"...
Conclusion du chroniqueur Pierre Gasnier, précisant au passage que certains intervenants ont exigé d'être floutés ? "Il est encore difficile d'être ouvertement homosexuel dans certains quartiers".
>> Un journaliste de Quotidien se fait traiter de "bougnoule" par un militant FN <<
Un condensé qui n'a pas vraiment réjoui l'organisation de la Pride des banlieues. Laquelle s'est fendue d'un tweet assassin : "On ne remercie pas Quotidien et Azzeddine Ahmed-Chaouch pour leur reportage à la Pride des Banlieues. Trois de nos portes paroles ont échangé avec vous sur les revendications, les messages et les enjeux de notre événement. Presque tout a été coupé. Tout ce qu'on retient c'est les arabes aiment pas les gays".
Mais ce n'est pas tout. Accusée de coupures au montage, l'émission se voit aussi vilipendée politiquement. Et accusée de faire le jeu de l'extrême droite : "Vous êtes venus avec un sujet en tête et vous avez tout fait pour que les images collent avec ce discours. Votre reportage sert la montée du racisme et de l'extrême droite. Vous pouvez avoir honte. Y en a marre que nos luttes soient récupérés comme ça, là !". Ces "luttes", la Pride les résume ainsi : "Rappeler l'importance de rendre visible les identités LGBTQI+ de quartiers populaires et racisées".
Si le reportage se voit taclé de racisme, son dessein premier, dénoncer l'homophobie et la loi du silence qu'elle impose, se voit cependant illustré par d'accablants témoignages. Comme celui-ci, d'une participante lesbienne : "Il y a quelques minutes, une personne m'a suivie, et m'a insulté". Ou celui-ci, prévention d'une autre : "Il y a des gens qui n'ont pas fait leur coming out dans les quartiers populaires, il faut faire attention à les anonymiser".
Ou encore, cette prise de parole d'un manifestant homosexuel auprès d'Azzeddine : "Je suis algéro-tunisien de mère, métisse, et quand en plus tu es pédé, je peux te dire que tu galères, avec tout le poids de la culture qui va avec. C'est un peu une double peine, comme faire partie d'une communauté, elle même dans une communauté. C'est pour ça que la Pride des Banlieues est importante pour moi, en tant que jeune pédé arabe".
Des voix de personnes concernées mais qui n'ont pas vraiment fait mouche... auprès des personnes concernées, justement.