Babylon, Oppenheimer, Barbie, The Killers of the Flower Moon... L'année fut riche en événements cinéma, c'est vrai, mais pour combien de perles injustement oubliées ? Tu as peut-être raté bien des démonstrations de génie en salles, mais pas d'inquiétude : voici les 6 films (exceptionnels) que tu dois à tout prix rattraper.
Dans une année foisonnante en perles francophones (la Palme d'or Anatomie d'une chute, Je verrai toujours vos visages, Goutte d'or, Le temps d'aimer, Toni en famille) Le théorème de Marguerite est parvenu par le bouche-à-oreille à séduire un public curieux. Il faut dire que cette histoire d'une jeune surdouée des maths prête à tout pour percer à jour un théorème mythique est captivante, et sans cesse étonnante. Pourquoi donc ?
Car on s'attend à un Rain Man au féminin et... pas du tout. C'est l'inverse du portrait de nerd caricatural : sa protagoniste est sexuellement active, déterminée, "dans son monde" mais extrêmement pragmatique. Loin de la marginale introvertie, cette mathématicienne de brio est consciente de son talent. Et puis, si la réalisatrice Anna Novion interroge frontalement son rapport au genre, elle n'en fait pas pour autant un perso LGBTQ - ce qui semblait trop facile. Autre surprise, la cinéaste relate une recherche, mais aussi... une romance. Dans la peau de Marguerite, Ella Rumpf dévoile un jeu déconcertant, et aussi malin que le film qu'elle porte sur ses épaules.
C'est LE film d'horreur de 2023 aux côtés de Vermines. Ce premier long de deux YouTubeurs australiens (oui oui) a renversé la salle par sa noirceur carabinée. On ne s'attendait pas forcément à tant de nihilisme.
Cette histoire de main (apparemment ?) possédée que s'échangent des ados en manque de sensations fortes (et de buzz sur TikTok) afin de se livrer à des séances de transe hallucinantes permet aux réalisateurs de tirer le portrait d'une génération désabusée, meurtrie et perdue, à travers le parti pris d'une horreur très graphique, gore et (vraiment) énervée. On pense beaucoup aux Griffes de la nuit de Wes Craven. C'est dire.
Un premier long salué à l'unanimité par le public et la presse, et c'est normal. Habité par un futur Césarisé (l'exceptionnel Raphael Quenard, également au coeur de Yannick, LA révélation du ciné français en 2023) Chien de la casse aborde un thème rare mais ô combien lourd de sens : les amitiés masculines, et plus précisément, la toxicité des relations entre potes.
Ou quand deux mecs amis-amis témoignent d'attitudes qu'on imagine davantage dans les pires couples. Le jeu électrisant de Quenard, la justesse d'une écriture captant si bien les comportements masculins (comme le mutisme), le cadre atypique (une bourgade paumée)... Tout est puissant dans Chien de la casse. C'est drôle, spontané, et bouleversant.
On n'a pas vu un thriller aussi tendu depuis un long moment. Peut-être même, depuis le Zodiac de David Fincher, l'une des références de ce film haletant, aux côtés de Seven, réalisé par... vous avez deviné.
L'Argentin Damián Szifrón dirige la très étonnante Américaine Shailene Woodley (loin, très loin de Nos étoiles contraires et de Divergente) dans cette course contre-la-montre opposant le FBI à un tueur en série provoquant des tueries de masse. Un jeu du chat et de la souris admirablement bien rythmé et imprégné d'une vision plus noire que noire de la condition humaine. Si la série Mindhunter vous manque, ce Silence des agneaux 2.0. est là pour combler vos envies de suspense morbide.
L'un des meilleurs films français de l'année est... un film d'animation. Les metteurs en scène de la célèbre série Lastman sortent les bouchées doubles avec ce projet d'une vie : un long métrage très ambitieux de science-fiction animée dévoilant un univers étendu et inédit, dans une sphère (celle du ciné hexagonal) plutôt avare en projets de cette trempe.
Dystopie relatant une enquête policière au sein d'une planète où humains, robots et androïdes cohabitent (ces derniers étant clairement exploités) Mars Express convoque Akira, Blade Runner, Asimov, Terminator, K Dick, mais en affirmant par son style graphique, son humour et son casting (Léa Drucker, Mathieu Amalric) une identité très singulière. Dès la fin du voyage, une seule envie : reprendre fissa un billet pour cet Express dépaysant.
Sick of Myself, c'est une comédie vraiment pas comme les autres relatant la dégénérescence physique d'une simili-influenceuse, attirant l'attention - de son petit ami notamment - en détruisant son propre visage à coups de médocs aux redoutables effets secondaires. Une réflexion "body horror" sur notre société actuelle associant sans pitié l'horreur graphique, la farce grotesque et la violence psychologique. Un cocktail de choc.
Mais c'est aussi un magnifique portrait de femme, complexe, paradoxal, violent : quand une femme sacrifie son propre corps afin d'exister de nouveau aux yeux du monde. On tremble d'effroi devant la radicalité de ses actes mais il nous est impossible de ne pas les comprendre, et d'ignorer toute forme d'empathie à son égard. Le nouveau du film de l'auteur de cet ovni, Dream Scenario, avec Nicolas Cage, décline cette recette avec brio.