On se souvient de la lettre ouverte "Nous aussi" contre les grandes écoles, dont beaucoup d'étudiants dénonçaient le sexisme, l'homophobie et le racisme. Après les hashtags #MeToo, #BalanceTonPorc, ou encore plus récemment #BalanceTonYouTubeur, c'est Sciences Po qui est visée. Suite à une enquête de Libération sortie le 4 février 2021, qui faisait des révélations choc sur Sciences Po Bordeaux, le hashtag #SciencesPorcs a été lancé ce mardi 9 février 2021 sur Twitter.
Le but de "Sciences Porcs" ? Dénoncer les agressions sexuelles et la culture du viol dans les établissements de Sciences Po. Derrière ce hashtag viral, on retrouve Anna Toumazoff, ancienne étudiante de Sciences Po Toulouse et Juliette, étudiante en deuxième année à Sciences Po Toulouse. Cette dernière s'est livrée sur le viol dont elle a été victime lors d'une soirée d'intégration, un témoignage vidéo disponible sur Loopsider.
Mais en plus de lever le voile sur ces violences sexuelles, le hashtag #SciencesPorcs a aussi pour but de dénoncer l'impunité des faits et l'inaction de l'administration. "Les écoles Sciences Po couvrent les violeurs, font taire les victimes, et apprennent à tous les autres la loi du silence" a ainsi tweeté Anna Toumazoff, donc "ne nous étonnons pas de l'état de notre classe politique au vu de ce qu'on leur enseigne".
Depuis le lancement de "Sciences Porcs", les témoignages se multiplient sur Twitter et Instagram. Des étudiant(e)s et des ancien(ne)s étudiant(e)s révèlent avoir été témoins ou victimes de comportements sexistes et de violences sexuelles dans les IEP (Instituts d'études politiques). Les accusations de viols concernent non seulement des étudiants mais aussi des professeurs de Sciences Po.
Anna Toumazoff, qui était aussi à l'origine du hashtag #ubercestover qui révélait les agressions sexuelles des chauffeurs Uber, s'est confiée à France 3 Occitanie sur le hashtag #SciencesPorcs. "En tant que présidente de l'association féministe de l'école, j'ai très vite eu connaissance d'histoires et de témoignages laissés sous silence. Chaque fois j'entendais le même modus operandi. Des viols ou agressions sexuelles commis lors de soirées d'intégration ou des criteriums sportif inter-IEP" a-t-elle expliqué. "Avec #SciencesPorcs je veux mettre fin au silence complice de toutes ces agressions sexuelles" a-t-elle ajouté, précisant avoir aussi reçu des témoignages qui concernent d'autres grandes écoles et d'autres universités : "On me rapporte des faits similaires dans les écoles d'ingénieurs, de commerce ou encore les facs de médecine".
"Le problème c'est qu'elles n'osent jamais aller plus loin car il y a une sorte de dynamique malsaine qui les culpabilise. On leur dit qu'elles ne sont pas fun, qu'il y a pire ailleurs, qu'elles vont gâcher l'esprit festif de ces soirées" a souligné Anna Toumazoff, qui a détaillé à France Info : "Dans quelle mesure savaient-ils déjà et n'ont-ils rien fait ? C'est surtout ça la question. Parce qu'au-delà des témoignages que je reçois, je reçois aussi énormément de preuves accablantes contre les IEP d'une totale inaction et d'un choix délibéré de laisser les violeurs dans l'impunité. Les mesures les plus fortes qui ont pu être prises ont été la mise en place de cellules spécialisées contre le harcèlement avec des psychologues qui ont parfois juste recommandé de ne pas boire d'alcool".
Comme l'a rapporté Le Monde, la police et la justice ont été saisis suite au scandale "Sciences Porcs". Une enquête préliminaire a été ouverte pour viol à Toulouse, deux autres ont été ouvertes pour agressions sexuelles à Grenoble et un signalement a été fait à Strasbourg.
Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur et chargée de la Citoyenneté, a apporté son soutien aux victimes. Frédérique Vidal, ministre de l'Éducation supérieure, et Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, vont de leur côté réunir tous les directeurs de Sciences Po ce mercredi 10 février 2021. Une réunion qui pourrait donc apporter des mesures contre les agresseurs.
A noter également que suite à l'affaire Duhamel et à "Sciences Porcs", Frédéric Mion a démissionné de son poste de directeur de Sciences Po Paris (sans préciser si sa démission était liée à l'un des deux scandales).