Une comédie sur le handicap mental par Artus où humour de mauvais goût côtoie bons sentiments ? On ne va pas se mentir, la manière dont Un p'tit truc en plus a été présenté n'avait rien d'idyllique à mes yeux. Je craignais le pire : maladresses et "validisme" à tous les étages - ce concentré de préjugés des personnes "valides" envers celles en situation de handicap - blagues lourdes, émotions trop "mélo" de téléfilm familial...
Oui, ça fait beaucoup pour un seul homme. Et pourtant... Le succès surprise du tout premier film de l'humoriste et comédien Artus a bousculé mes a priori. Dépassant les 250 000 entrées dès son premier jour d'exploitation, puis le million d'entrées au bout d'une semaine en salles, ce hit inattendu a finalement suscité ma curiosité grâce à l'engouement d'un public apparemment retourné par le pari d'Artus. Car oui, quoi qu'on en pense, cette comédie est un pari.
Galérant à convaincre bien des producteurs, frileux à l'énoncé même du mot "handicapé", Artus a porté ce projet à bout de bras : instigateur de l'idée originale, coscénariste, metteur en scène, mais aussi, et c'est rare, codirecteur du casting... Ce film, c'est lui. Une sincérité qui a redoublé mon intérêt. Bon, mais c'est bien beau de mouiller le maillot, et d'enchaîner les belles notes d'intention en interview, mais le film, que vaut-il ?
Pour vous répondre, une seule soluce : y aller.
En fait, le piège qui faisait dangereusement de l'oeil à Artus sur le coup, c'est un phénomène pernicieux que l'on appelle : le validisme bienveillant. Le super podcast "H comme Handicapé.e.s" en parle très bien. Le validisme bienveillant, c'est lorsque des personnes valides, qui ne sont pas en situation de handicap, affichent ouvertement une empathie qui ressemble un peu/beaucoup à de la pitié envers ces dernières. Le tout sous couvert de notions hyper clichés : insister sur le courage des personnes concernées par exemple.
>> Les concerts, ça me saoule : merci Pierre de Maere de m'avoir fait changer d'avis à 30 ans ! <<
Des discours plus liquoreux qu'un chocolat Mon Chéri et qui me semblaient aussi inévitables dans ce film qu'un édito d'Eric Zemmour sur le "wokisme". Heureusement : on l'a échappé belle ! En racontant la semaine de "planque" d'un père et d'un fils braqueurs auprès de jeunes en situation de handicap, Artus ne délivre pas un grand film sur le handicap. Non, il propose surtout une comédie hyper efficace qui tient quasi intégralement sur les personnages singuliers et attachants qu'il met en scène avec, il faut le dire, une profonde tendresse.
>> Ce livre a joliment bousculé ma vision de la téléréalité (et mes gros préjugés) <<
Ce qui m'a conduit à cette réflexion, c'est cette parenté qu'affiche ouvertement Un p'tit truc en plus avec l'une de mes comédies françaises préférées de tous les temps : Nos jours heureux, escapade en colonie de vacances signée du duo Toledano/Nakache. Ce sont deux films au rythme effréné, qui commencent direct dans l'action, et nous font rire car chaque individu y a ses traits de caractère bien affirmés (et trempés). Tant et si bien qu'au fil des revisionnages, on finit par avoir "notre" perso préféré, au sein d'une galerie haute en couleurs.
Et dans la galerie dont il est question ici abondent imitateur de Sarkozy, féru de déguisements kitsch, "BG" à la sensibilité hyper touchante, adepte de l'insulte en pleine face (souvent légitime cependant), grand romantique... Je ne vais pas "divulgâcher" les meilleures vannes, d'autant plus que racontées hors contexte, elles susciteraient de bons gros bad buzz. Dans le film, ces blagues qui auraient très bien pu sortir de la bouche d'un Jérémy Ferrari sont juste percutantes. D'autant plus que cette aura comique relative aux comédiens me semble très spontanée. Car quand on rencontre ces persos, on a l'impression de déjà les connaître.
C'est un sentiment qui en dit long sur la conviction d'Artus face à son projet : cette complicité indéniable entre lui et le reste du casting, qui semble avoir été entretenue tout au long du tournage et transparaît à l'écran. Chose qui ne ment pas, le "héros" qu'il incarne est très discret, et pas si important, au fond. C'est comme si l'humoriste laissait au maximum la place à ceux qui, à ses yeux, transportent totalement son film.
Une certaine démonstration d'humilité bien respectable, et une sincérité qui, à en croire les réactions que j'ai pu observer dans une salle conquise, n'a pas échappé au public : ça rit fort, ça pousse des "oooh" lors des blagues les plus trash (un humour qui renvoie aux comédies américaines des frères Farrelly), ça s'enthousiasme dès le retour à l'écran d'un gag ou d'une punchline propres à un perso, et enfin... Ca s'émeut.
Preuve en est si besoin était que tous ces personnages "existent" aux yeux du public, et ne se limitent pas à d'attendus stéréotypes ou clichés. Je m'attendais au pire, mais il faut avouer que le film d'Artus a vraiment... Un petit truc en plus.