"L'expérience Shyamalan". Voilà comme nous est présenté le dernier film du réalisateur de Sixième Sens, Signes, Le Village, Split... Qui s'aventure cette fois-ci moins dans le fantastique ou l'intrigue à tiroirs vaguement complotiste, que dans le registre du suspense pur et dur. Shyamalan qui retrouve ses oripeaux de cinéaste hitchcockien en somme...
Ce film, c'est Trap, à découvrir dès à présent en salles, auréolé de cette accroche d'affiche le présentant comme une expérience, donc. De quoi ça parle ? Au cinéma depuis ce 7 août, Trap relate les péripéties d'un serial killer qui se retrouve bien embarrassé quand il se rend compte que les forces de l'ordre sont massivement à sa recherche... Et ce alors qu'il passe une heure paisible dans une salle de concert avec sa fille. Un lieu désormais cerné.
Galvanisé par le terme nous promettant d'inédites émotions et la certitude d'une immersion dans l'esprit pour le moins chaotique du metteur en scène présenté il y a vingt ans comme "le nouveau Spielberg", je me suis aventuré en salles. Mais ai-je bien fait ? Absolument.
Je le revendique : on ne pourra jamais retirer à Shyamalan son génie des pitchs. Trop souvent réduit à ses retournements de situation finaux censés bouleverser notre perspective d'une histoire, le réalisateur brille surtout à mes yeux par sa science du "high concept". Que ce soit du garçon qui voit des morts partout à l'antagoniste aux multiples personnalités toutes invoquées successivement dans un huis clos.
Idem ici avec, si je dois simplifier les choses, ce postulat improbable de thriller-concert où un héros en vérité anti-héros fuit en connivence avec le public (nous-mêmes) une foule omniprésente, les chansons s'enchaînant au rythme de ses initiatives plus ou moins risquées. Le tout prenant la forme d'une sorte de comédie noire pleine d'ironie.
Et en l'occurrence, durant toute la première heure qui explore à fond ce dispositif, le mot "expérience" ne m'a pas semblé de trop ! On vit un concert, par ailleurs très bien orchestré, tout en suivant la traque haletante d'un Sherlock Holmes croisé avec Norman Bates, jamais à court d'ingéniosité diabolique. Ce qui m'a frappé dans Trap c'est que l'on est certes face à un acteur qui s'amuse, oui (Josh Hartnett, LE beau gosse du cinéma américain des années 90, dans une composition pleine de second degré) mais beaucoup moins que le réalisateur qui le dirige.
De la composition des cadres se jouant des angles et des perspectives pour dire l'état émotionnel ou psychologique de son personnage à l'emploi des lieux et éléments alentours (portables, scénographie du concert), Shyamalan rappelle encore une fois son art flagrant de la mise en scène.
Mais le film va également dévoiler sous les oripeaux de l'exercice de style un coeur gros comme ça. Au gré des rocambolesques péripéties, on s'éprend effectivement de la relation unissant père et fille. Le jeu des comédiens aidant, elle semble très crédible et même : émouvante.
Jusqu'à une séquence de piano étrangement touchante, où le mélodrame se marie au thriller - il faut le voir pour le croire. Le cinéaste met en scène sa propre fille dans une histoire père/fille et nous introduit même à trois personnages de mères. Le grand thème de ce film, c'est la parentalité.
Alors, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? J'adorerais, mais non : Trap concentre le meilleur de M. Night Shyamalan, mais aussi le pire. La dernière demi-heure envoie valser toute forme de cohérence et le cinéaste lui-même parait prendre un malin plaisir à détruire tout ce qu'il s'est efforcé à construire durant l'heure précédente.
Les péripéties ubuesques s'enchaînent tandis que notre protagoniste, si lucide dans un premier temps, s'évertue à cumuler les décisions les plus absurdes. Un mouvement comique volontaire de la part de Shyamalan ou une foirade aussi indésirée que catastrophique ? J'ai envie, bon prince, de vous accorder le dernier mot sur le sujet. En tentant, et je vous y incite, "l'expérience Shyamalan".