C'est un véritable séisme qui vient de secouer le monde de YouTube ce jeudi 23 juin 2022. C'est en effet à cette date que Mediapart a publié une enquête extrêmement importante dans laquelle le vidéaste Léo Grasset - plus connu sous le pseudonyme DirtyBiology sur la plateforme de vidéos, est mis en cause par 8 femmes différentes pour viol, violences psychologiques, sexuelles et comportement jugé problématique.
Auprès des journalistes du média, Lisa* - une vidéaste d'une vingtaine d'années qui préfère rester anonyme, révèle avoir subi des violences sexuelles de la part du YouTubeur de 32 ans, véritable star dans l'univers de la vulgarisation scientifique grâce à sa chaîne lancée en 2014 (plus de 1,3 million d'abonnés), mais également grâce à la publication de ses différents ouvrages (une BD chez Delcourt intitulée La grande aventure du sexe, un livre publié chez Flammarion intitulé Le grand bordel de l'évolution).
Une prise de parole difficile pour celle qui affirme avoir vécu "un enfer mental" ces dernières années, mais nécessaire. Durant son témoignage, Lisa révèle qu'elle et Léo Grasset auraient partagé une relation "chaotique" dès 2015. Evoquant une "emprise" de sa part sur elle, la vidéaste explique que tous les deux couchaient régulièrement ensemble à l'époque, mais que là où elle semblait se projeter avec lui, le YouTubeur aurait à l'inverse eu un comportement compliqué à son encontre en la gosthant régulièrement avant de renouer le contact selon ses volontés, mais également en se moquant d'elle sur différents forums.
Un "jeu" fatigant pour Lisa qui aurait provoqué en elle "une espèce de yoyo mental", et qui aurait par la suite pris une tournure dramatique un soir de juillet 2016. Selon les propos de la jeune femme, alors qu'ils étaient censés passer la soirée ensemble, Léo Grasset l'aurait finalement retrouvée "vers 1h30" après avoir passé les heures précédentes auprès de ses potes. Fortement alcoolisé, il aurait malgré tout tenté de faire l'amour avec Lisa qui, "en colère" contre l'influenceur, aurait rapidement refusé : "Je lui dis plusieurs fois que je n'ai pas envie", explique-t-elle à Médiapart.
Face aux caresses imposées à son insu, elle aurait tenté de l'esquiver, ce qui lui aurait fortement déplu et provoqué "une espèce de switch dans son regard". Rapidement, Léo Grasset l'aurait "maintenue avec ses mains autour de son cou" avant de la "pénétr[er] avec des coups très forts". Une scène effrayante pour Lisa - Mediapart révèle qu'elle était en larmes au moment du récit, qui se serait sentie impuissante, "J'ai voulu crier et il n'y avait aucun son qui sortait de ma bouche". En état de choc, elle évoque notamment "une espèce de dissonance cognitive maximum" mise en place pour affronter ce drame.
A ce jour, Lisa - qui assure être régulièrement sujette à des "crises d'angoisses" et victime d'une vie amoureuse et sexuelle perturbée, n'a toujours pas porté plainte. Comme elle l'explique aux journalistes, "A l'époque, je pense que si je porte plainte, ma carrière va être foutue. Au mieux, je vais être considérée comme la fille qui a été violée. Au pire, tous les autres vidéastes vulgarisateurs vont se liguer contre moi".
Il faut dire aussi que Léo Grasset - conscient de son aura, aurait pris soin au fil des années de lui coller une horrible réputation auprès des ses collègues dans le milieu. Une situation qui a été reconnue dans cette enquête par différentes personnalités de YouTube dont Manon Bril (Chaîne : "C'est une autre histoire"), "Très vite, on lui construit une réputation de meuf qui triche, de meuf malhonnête", qui révèle par ailleurs avoir elle aussi été victime du comportement toxique du jeune homme au cours de leur relation passée.
Néanmoins, également interrogés par Mediapart, les proches de Lisa assurent que l'absence de plainte ne signifie pas pour autant qu'elle aurait gardé le silence sur cette agression sexuelle. Au contraire, dès l'été 2016, elle en aurait notamment parlé à sa mère qui confesse ici, "J'ai réalisé tout de suite la gravité de ce que ma fille a décrit. (...) Dans les semaines et les mois qui ont suivi, elle avait un dégoût de tout. Elle a pris des médicaments, vu des psys". Deux de ses amis étaient également au courant et ont assisté à sa descente aux enfers ponctuée par "des moments de grosse déprime" et une "crise de panique" durant une soirée.
De même, alors que Léo Grasset aurait continué de se moquer de Lisa ces dernières années au point d'avoir des propos honteux à son sujet - il aurait notamment profité d'une discussion sur le "stalking" (harcèlement) lors d'une soirée organisée à l'automne 2017 pour déclarer à une amie de Lisa, "J'en connais une bonne, moi, de stalkeuse, ta pote. (...) Et moi je lui ai bien défoncé les muqueuses", le jeune homme aurait plus ou moins reconnu avoir eu un comportement qui n'était pas correct à son encontre le 19 janvier 2019.
Sans jamais parler de viol, le vidéaste aurait écrit dans un message privé sur Facebook, "J'ai pas été correct avec toi quand on s'est revus en 2016 (...) Bon, c'était une période particulièrement bordélique de ma vie, et ça va mieux maintenant, mais ça n'excuse rien". Un message qui aurait entraîné une rencontre dans un café parisien en avril 2019, durant laquelle il aurait admis qu'il était "bourré" ce fameux soir et qu'il aurait alors fait "une erreur de jeunesse". Là encore, Lisa n'aurait pas hésité à partager cette discussion avec ses proches à l'époque.
Pour l'heure, Léo Grasset - qui reste présumé innocent, n'a toujours pas réagi à cette accusation. Comme le mentionne Mediapart, une entrevue était censée avoir lieu le 21 juin dernier, mais le vidéaste a finalement changé d'avis, expliquant par mail : "J'ai pris le temps de solliciter les conseils d'experts sur le sujet pour prendre une décision éclairée. A la suite de ces discussions, j'ai pris la décision de ne pas répondre aux questions de Mediapart sur les allégations mentionnées dans votre précédent e-mail, préférant suivre l'avis de ces experts".
Par ailleurs, le site dévoile également la réponse de ses avocats, "Nous ne souhaitons pas répondre aux sollicitations de presse, Monsieur Grasset se tenant à disposition de l'autorité judiciaire dans l'hypothèse où celle-ci était saisie de ces allégations. Nous prendrons bien sûr connaissance de votre article, espérant qu'aucune atteinte ne vienne à être portée au respect de son droit à la présomption d'innocence".
Le témoignage de Lisa est à retrouver sur le site de Mediapart, tout comme ceux de 7 autres femmes qui assurent en détails que Léo Grasset aurait été à l'origine de violences psychologiques, sexuelles et comportement jugé problématique. Attention, certains témoignages peuvent heurter la sensibilité.
*Lisa est un nom d'emprunt pour les besoins d'anonymisation de la jeune femme.