Comment en es-tu venu à faire des imitations ?
Je crois que c'est la question que l'on me pose le plus souvent. Beaucoup de gens s'imaginent une histoire de ouf, d'ailleurs je prends un malin plaisir à sortir des histoires extravagantes à ce sujet (magnifique récit à découvrir ici). Mais la vraie raison est que lorsque j'étais petit, vers 10/11 ans, j'ai vu un reportage sur les coulisses des "Guignols de l'info" à la télévision. Le truc m'avait passionné et j'avais été scotché d'apprendre qu'une seule personne pouvait réaliser la voix de plusieurs marionnettes. C'est comme ça que j'ai pris conscience du concept de "l'imitation". J'ai donc essayé de refaire pareil le lendemain dans la cour de récré pour faire rire les copains. Ça a marché alors j'ai continué, de manière plus ou moins inconsciente, à travailler ce truc. Beaucoup de gens se disent qu'il s'agit d'un don. Moi je pense plutôt qu'il s'agit d'un travail à très long terme. En attaquant cette pratique jeune, on muscle considérablement ses cordes vocales et sa langue, ce qui permet véritablement d'avoir une voix ultra malléable.
Qu'est-ce qui te plaît dans cette activité ?
Elle m'apporte une polyvalence extrêmement utile. Je peux créer et recréer des personnages à l'infini. C'est extrêmement pratique dans le cadre de l'acting ou tout simplement lorsque je veux créer une saga MP3 [Il s'agit d'une saga audio, comme le récent projet de Cyprien, ndlr]. J'en ai réalisé deux sur ma chaîne et je fais toutes les voix.
Tu sembles énormément tenir à YouTube. Que t'apporte la plateforme par rapport à ton talent ?
Youtube m'apporte une flexibilité et une visibilité que je n'aurais pas ailleurs. Je crée le contenu que je veux, quand je veux. Je n'aime pas être catégorisé comme "l'imitateur de service". Bien entendu, j'ai totalement conscience que je dois ma "réputation" sur la plateforme à cette capacité. Mais je veux me servir de cette dernière comme d'un outil pour d'autres projets, pas comme d'une finalité. Imiter pour imiter, c'est naze. L'imitation au service d'une oeuvre ou d'un concept, c'est déjà plus intéressant.
A côté de ça, ma palette de voix est très particulière, voire unique sur certaines voix. Là où un imitateur lambda va se spécialiser sur l'imitation de politiques ou de célébrités, moi je suis plus dans l'imitation de personnages de fiction. Je pense que le gros de mon panel de voix est composé des personnages qui ont bercé mon enfance. Je cherche à imiter certaines voix parce que je les trouve stylées, pas forcément parce que le mec derrière est célèbre. Et puis une chaîne YouTube, quand tu es artiste ou véritablement passionné par ce que tu fais, c'est une sorte de CV géant. Je dois 90% de mes opportunités professionnelles à ma chaîne.
Dans ma conception de Youtube, tu as des "leaders de catégorie", des personnes qui sont un peu la référence dans un domaine (Nota Bene pour l'histoire, E-penser & Dr Nozman pour les sciences...). Dans le domaine de l'imitation, il y a Ganesh2 et moi. Cette "réputation" fait que je suis souvent amené à bosser avec d'autres chaines dès qu'il y a besoin d'une voix. C'est une sorte de soft-power assez pratique. Ça permet de faire un échange de bons procédés en dehors de "la collab pour la collab". Je te fais une ou plusieurs voix, tu m'apportes de la visibilité, tout le monde y gagne.
Comment arrives-tu à gérer ton choix des voix/des concepts sur ta chaîne, entre tes envies personnelles et les demandes du public via les commentaires ou les succès de certaines vidéos par rapport à d'autres ?
Je ne me casse pas trop la tête. Concernant les voix, je ne me force jamais à essayer d'en bosser une sous prétexte qu'on me la demande beaucoup, comme Vegeta ou Sangoku que je sais pas du tout faire. Pour les concepts, c'est tout bête : j'ai une idée, je crée le truc. Si ça marche je continue et je continue tant que ça marche. Si ça ne marche pas (ou plus), je le déprogramme. C'est pour ça que j'essaye de ne pas trop produire de contenus qui se suivent. Comme ça, je peux tout arrêter (ou mettre en pause) assez rapidement.
Pour moi, sur une chaîne, tu as des émissions phares et des émissions secondaires. Les émissions phares sont celles qui font ton succès et qui amènent le public vers toi. Il est donc très important de ne pas se rater et de ne pas trop les délaisser. Les émissions secondaires sont celles que tu fais un peu sur des coups de tête. Ce sont des essais que tu gardes ou laisses tomber assez facilement. Par exemple, mes émissions phares c'est les Vox Populi et les compilations d'imitations.
Je prends en compte les commentaires du public, mais lorsqu'ils sont pertinents et pas trop mitigés. C'est assez dur de trancher quand t'as une partie de ta communauté qui surkiffe un format et que l'autre qui veut sa mort.
Qu'est-ce qui t'amuse le plus sur YouTube ?
Tu peux voir YouTube sous plusieurs points de vue. Pour le viewer, c'est une sorte de paradis, un monde merveilleux où tu crées du contenu à la sueur de ton front et dont certains élus méritants parviennent à vivre. C'est le YouTube de façade. Mais dans la réalité des choses, c'est de plus en plus difficile d'être YouTubeur, professionnellement parlant. Il faut une très grosse visibilité pour en vivre. C'est tout un monde, un écosystème complexe à prendre en compte. Entre YouTubeurs tu as des histoires de conflits d'ego et d'intérêts. Tu as un algorithme de plus en plus omniprésent et omnipotent qui trie les vidéos. Tu as des revenus qui varient en fonction de la période de l'année. Tu crois être indépendant mais t'es juste payé au rendement. Le public ne s'en rend pas compte et ce contraste me fait rire. Le public est face à une horloge tandis que le Youtubeur est dedans. Et lui, il voit, au fil du temps, ses mécanismes rouiller. Il voit les beaux rouages d'antan qui faisaient la gloire de cette horloge être remplacés par des pièces inutiles et contrefaites. Le public a une certaine candeur que je regrette. Mais je continue de me battre pour essayer de m'en sortir. Je ne veux pas faire de la m*rde. Je suis intimement convaincu que mon heure au sein de cette grande horloge viendra.
Y a-t-il un concept inédit ou existant ailleurs que tu rêverais de faire ou d'adapter sur ta chaîne ?
J'aimerais m'orienter vers des trucs de plus en plus produits et ambitieux, tout en m'émancipant de plus en plus des barrages de la condition de "Youtubeur moyen". Mon gros kiffe c'est l'animation. J'adore écrire des dessins animés, faire les voix... Je collabore souvent avec des chaines d'animation pour créer du contenu dans ce style. Il y a un gros créneau pour l'animation dans le YouTube Français. Aux states, tu as des grosses chaines qui font de l'animation et qui cartonnent. Ici, c'est moins répandu. Je rêve de pouvoir diffuser plein de petits cartoons comme ceux déjà présents sur ma chaîne (Watafak, Petits pains vs chocolatine...), mais ça demande un temps de production de dingue. Cela peut prendre plusieurs jours/semaines pour une ou deux minutes d'animation.
A terme, je voudrais aussi me tourner vers la fiction. Mais je sais pertinemment que tu peux pas décoller facilement avec ça et que ça nécessite beaucoup de temps. C'est mille fois plus dur et risqué de tenter un court-métrage ou une web-série qu'une vidéo "lambda". La fiction, ça coûte beaucoup d'argent et ça en rapporte peu. Actuellement, je suis sur trois gros projets qui vont arriver sur la chaîne. L'un dont je ne suis pas l'auteur mais dans lequel je joue, et les deux autres dont je suis à la fois scénariste et acteur. Les hasards de la vie et des rencontres font que je suis en contact avec une boite de production locale qui va m'aider à porter ce genre de projets.
Est-ce que c'est facile de garder et partager sa propre personnalité à travers des imitations d'autres personnes ?
Je pense que ces imitations viennent étoffer ma personnalité. A force d'incarner des personnages, je choppe une sorte d'aisance que je n'avais pas avant. Ma voix naturelle est par exemple plus posée, plus nuancée qu'autrefois. J'apprends de mes imitations.
Jouer avec sa voix est un réel talent toujours très recherché. Penses-tu l'exercer ailleurs que sur YouTube ? (Doublage, voix-off, scène...)
C'est déjà le cas. Je fais de la voix-off professionnelle et du "doublage" de temps à autre. J'adore ça. J'ai mis des guillemets à doublage car, pour l'instant, quand je collabore avec une boite d'animation, je ne double pas. Je crée la voix et je lis un texte. L'animation et la synchronisables sont faites dans un second temps. Le vrai doublage, c'est quand tu as un truc tout pré-existant et que tu te cales dessus.
Je m'éclate tellement à faire ce genre de choses, mais je ne communique pas trop là-dessus. A la seconde où je me lancerai officiellement avec un site professionnel, je pense que ça bouffera tout mon temps. Du coup, je me contente pour le moment de répondre à d'éventuelles opportunités. Ma chaîne reste ma priorité. Un mec qui change facilement sa voix, dans le domaine de la voix-off, on appelle ça un caméléon. C'est rare et donc très demandé.
Étant donné que tu fais de nombreuses imitations de doubleurs français : t'es plutôt VO ou VF quand tu regardes un film/une série ?
Je kiffe la VF. Le monde du doublage et ses légendes me passionne. J'ai un immense respect pour les comédiens de doublage, rêvant moi-même, un jour, de prêter ma voix pour un gros projet. Pour la petite info, j'ai doublé la voix de François Hollande dans le film Alibi.com, mais c'était très anecdotique.
Tu t'es récemment fait voler une vidéo par l'émission Touche Pas à Mon Poste. Tu penses que les 'YouTubeurs' vont un jour réussir à se faire respecter par les vieux médias ? Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que la situation évolue enfin ?
Il faut un syndicat. Mais ça ne se fera pas. Il y a trop de conflits d'intérêts et d'ego dans la création de ce genre de truc. C'est pourtant le seul moyen, à mon avis, d'avoir une vraie force de frappe et d'être intimidant face à un vieux média. Il faudrait quelque chose d'impartial, d'indépendant et qui accepterait de défendre n'importe quel YouTubeur, sans favoritisme. Il ne faut donc pas de Youtubeur à sa tête, mais un genre d'avocat indépendant.
On ne va pas se mentir, la télé pique allègrement des vidéos (voire même des concepts !) aux Youtubeurs parce qu'elle n'a pas peur des représailles pour trois raisons.
1) Les chaînes partent du principe qu'un YouTubeur ne portera jamais plainte à cause des frais de justice et/ou à cause d'une méconnaissance de la loi.
2) Elles savent pertinemment qu'elles perdraient en cas de procès, donc elles ont déjà des budgets alloués à des dommages et intérêts.
3) Elles peuvent faire traîner l'affaire dans le temps en pensant que la personne finira par abandonner. Il y a tout un processus très long avant de passer devant un juge...
Et de ton côté, tu as eu des retours de la chaîne/l'émission par rapport à ton coup de gueule ?
J'ai pris un avocat, on monte un dossier solide et nous sommes partis pour gagner dans tous les cas de figure. J'ai la loi pour moi.
Comparées aux autres vidéastes, tes rencontres avec tes abonnés doivent être originales. On te demande souvent d'imiter quelqu'un ? Ce n'est pas trop fatiguant ?
En soit, on ne me le demande pas si souvent que ça, les gens n'osent pas trop. Tant mieux ! Mais ceux qui osent sont parfois un peu relou. J'ai d'ailleurs fait une petite vidéo à ce sujet (voir ici). C'est du 100% vécu.
Est-ce que tu as des petits rituels pour protéger ta voix ou tu préfères ne pas trop y penser au risque peut-être de te brider sur certaines choses ?
Je n'ai pas de réel rituel. J'ai conscience de mes limites et je sais quelles voix sont "risquées". La plupart de mes imitations sont très simples à faire pour moi et ne me "blessent" nullement.
Quelle est la voix que tu rêves d'imiter ?
J'adorerais arriver à imiter la voix de Richard Darbois (Voix française d'Harrison Ford, Buzz L'éclair, NRJ...)
Contenu exclusif. Ne pas mentionner sans citer PureBreak.com.