Voilà une nouvelle qui va bousculer les week-end expos des Parisiens : le Centre Georges Pompidou (Beaubourg) fermera complètement ses portes pour travaux. Rénovation, aménagements divers, création de nouveaux espaces, optimisation énergétique et désamiantage des façades sont au programme. Une fermeture qui n'est pas pour demain : rendez-vous fin 2025. Mais elle s'étendra vraiment longtemps, puisque sa réouverture est prévue pour... 2030.
Cinq longues années de fermeture intégrale pour l'un des plus importants musées d'art moderne et contemporain ? C'est fou. Et la chose fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux.
Il y a bien sûr le camp des déjà-nostalgiques, qui regrettent ce lieu indissociable de la capitale et sa fameuse façade transparente, accueillant petits et grands depuis plus de quarante ans. "5 ans de travaux waaah", "5 ans ?!", "WOW", "Nooooon", s'exclament les internautes, apparemment sur les fesses. Il faut dire que le Centre Pompidou propose la première collection d'art moderne et contemporain d'Europe, un lieu exceptionnel pour qui aime prendre le pouls de formes d'expression les plus audacieuses et en constante évolution.
Et puis, il y a les autres. Les haters du Centre, qui ne manquent pas d'imagination quand il s'agit de clasher le bâtiment historique. C'est à dire ? Petite revue de tweets rien que pour vos yeux.
"Même en le voyant en photo, tu as l'impression que c'est en travaux", "C'est la transition écologique : le bâtiment passe de raffinerie de pétrole à usine de retraitement des eaux", "En travaux et pourtant, il y a des échafaudages depuis longtemps !", "c'est une usine à gaz", "On aurait pu le raser c'est pas une perte et faire un jardin à la place", Ils ne peuvent pas détruire cette horrible verrue et construire quelque chose de potable ?", taclent les twittos.
Alors que ses habitués ont la larmiche, ses détracteurs proposent tout simplement de le détruire. C'est ce qu'on appelle une réaction passionnée. Le Centre Pompidou, cible classique des haters de Twitter ? Pas vraiment. L'histoire est bien, mais alors bien plus ancienne que ça... Elle nous renvoie carrément au temps du Minitel.
En fait, le Centre Pompidou, Beaubourg pour les intimes, suscite l'ire depuis l'ouverture de ses portes en 1977, inauguration assurée par Giscard d'Estaing en personne. La colère du public, des Parigots, des artistes et intellectuels... France Culture nous le rappelle, réactions d'époque à l'appui : "Dieu que c'est laid !", "Est-ce une raffinerie destinée à récupérer les boues de la Seine pour en faire de l'essence ?", "L'avenir de l'art va se jouer autour de cet énorme machin qu'on appelle 'Raffinerie de pétrole' ou 'Usine à gaz', en plein coeur de Paris", "C'est un objet monstrueux".
Le bâtiment a toujours été considéré comme l'incarnation d'un modernisme décomplexé et "détestable" : pas assez esthétique, notamment à cause de ses gros tubes apparents, pas assez beau, trop "industriel" et vulgaire, trop surdimensionné. Trop "tout" en fait. Et puisque "Beaubourg" privilégie l'art moderne et contemporain, ceux qui ne portent pas vraiment dans leurs coeurs ce monde-là ne risquent vraiment pas de s'adoucir. Et ce alors que le Centre est né d'une volonté de rendre l'exigence artistique accessible au plus grand nombre.
Puisque les reproches abondent depuis des lustres, d'aucuns en retour saluent au contraire l'audace architecturale du Centre, son côté contemporain et "postmoderne". Pour eux, le Centre ne se contente pas d'accueillir des oeuvres d'art : il est une oeuvre d'art à part entière. Un débat encore d'actu aujourd'hui ! Surtout quand cette architecture signée Renzo Piano et Richard Rogers influence à l'étranger : on t'apprendra peut être que le designer américain Tinker Hatfield s'en est inspiré en plein milieu des années 80 pour créer les mythiques Nike Air Max 1.
Ce qui est sûr, c'est qu'on connaît peu d'institutions qui font encore autant couler d'encre au bout de quatre décennies. Quel Musée historique peut en dire autant ? La preuve : même fermé, le Centre fera parler. Stylé.