Est-ce que tu sais ce qu'est le "gender swap" ? Comme l'intitulé l'indique, c'est le fait "d'inverser" le genre, procédé pas si rare dans la fiction : on prend un perso masculin, et on en fait un perso féminin - ou inversement. Quand sont sortis Sos Fantômes (la version Kristen Wiig) et Ocean's 8 (avec Sandra Bullock, Cate Blanchett), on a pu parler un peu trop facilement de "gender swap movies" : prendre des icônes pop masculines et les "féminiser".
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Bon, mais dans les deux cas cités plus haut (pas les films les plus aimés du public d'ailleurs, et le sexisme ordinaire y est quand même pour beaucoup), les personnages mis en scène ne sont pas les mêmes que dans les films originaux. Phénomène beaucoup plus rare : lorsque c'est le même personnage, dans le même univers, qui change de genre. Et c'est justement ce qui est arrivé dans... Les Gardiens de la Galaxie Vol.3.
Et ce, quitte à susciter sans surprise hélas l'ire de fans un peu trop vénères à ce sujet. Mais James Gunn a de très bonnes raisons d'avoir fait ce choix. Il s'en est même expliqué l'espace d'un tweet...
Mais c'est qui, ce personnage incriminé ? Simple : il s'agit de Cosmo, un chien aux pouvoirs télépathiques "joué" par l'actrice bulgare Maria Bakalova - qui prête sa voix au canidé. Un toutou plutôt remarqué : l'animal doté d'une voix humaine passe tout le métrage a rappeler qu'elle est un bon "chienchien" quand on ose prétendre le contraire.
Seulement voilà, Cosmo est un mâle et non une femelle dans les comics Marvel dont s'inspire James Gunn, réalisateur et scénariste de ce troisième opus. D'où la perplexité des fans et d'autant plus, tu l'imagines, de ceux qui voient là une énième victoire du "wokistan" et se croient menacés par un simple détail comme celui-ci. De quoi faire frémir Pascal Praud. Le truc, c'est que James Gunn a de vrais arguments de son côté...
Sur Twitter, le cinéaste détaille : "Cosmo est basé sur Laika, le chien russe, qui était une femelle, j'ai donc changé le sexe. Cosmo n'aurait pas existé sans Laika". Un bel hommage rendu au chien que l'Union soviétique a envoyé dans l'espace en 1957. Quelque part, Laika est elle aussi super héroïque, puisqu'elle est le premier être vivant de l'histoire à avoir orbité autour de la Terre. On comprend la justesse du clin d'oeil.
Surtout, quand on suit les aventures de Star-Lord, l'écriture dramaturgique de ce perso incarné par Chris Pratt, et la manière dont James Gunn se réapproprie tout l'imaginaire du space opera (un genre notamment popularisé au cinéma par George Lucas et ses Star Wars) pour en faire quelque chose de très personnel (notamment du point de vue de la bande originale) on se dit que l'espace tient une place hyper importante dans Les gardiens de la galaxie volume 3. Faire honneur à l'une de ses figures historiques, c'est donc très cohérent.
Il y a une dernière raison à ça, et pas des moindres, on le devine : principalement focus sur un autre animal humanisé, Rocket Racoon, ce troisième volet est avant tout un plaidoyer énervé contre la souffrance animale. Or, Laika est morte dans l'espace, à bord de la fusée Spoutnik 2, 7 heures seulement après le lancement - on met notamment ce drame sur le compte du stress. D'une certaine manière, elle représente elle aussi une victime tragique de l'exploitation de l'animal par l'homme.
Enfin, à la fois animal et féminine, Cosmo est comme un croisement des marginalités, et c'est tout ce que met en scène cette trilogie : des figures marginales, des créatures jugées aberrantes par les autres, mises de côté, opprimées... Qui trouvent finalement dans le collectif un moyen de s'émanciper. Une happy end que n'a pas connue la vraie Laika malheureusement, c'est le moins qu'on puisse dire.
"Au fait, j'ai aussi changé les personnages de Mantis, Drax, High Evolutionary et d'autres humains en extraterrestres, ce qui semble être un changement beaucoup plus important. Pourquoi celui qui concerne Cosmo vous dérange autant ?", s'est encore interrogé le réalisateur sur Twitter. Et toc.