Si vous avez aimé retrouver Star-Lord (ou plutôt Peter Quill) et sa bande de potes aux confins de la galaxie pour le très attendu troisième (et dernier ?) opus des Gardiens, vous n'êtes pas seul : le dernier blockbuster en date de James Gunn a déjà dépassé le million d'entrées au box-office français. On comprend pourquoi.
Car non content de retrouver le bestiaire foutraque de créatures propre à la franchise, une bande originale du tonnerre (est-ce possible de détester un film où l'on entend les Flaming Lips ?), l'humour des justiciers et leur sens de l'aventure, on se surprend à être ému par tous ces persos d'outsiders. Et surtout par la vraie star de cette conclu' : Rocket Racoon. Celui qui refuse qu'on l'appelle "le raton laveur" tient une place primordiale ici.
C'est effectivement pour le sauver, alors que le pilote prodige est mourant, que ses amis vont aller d'infiltrations en affrontements - forcément explosifs. Mais toute une partie du film se focalise aussi sur le passé de Rocket. Une vie bien plus tragique qu'on ne pourrait le croire puisque placée sous le signe... De la souffrance animale.
Et si le vrai dessein de ces "Gardiens" n'était pas la survie de l'univers ou celle de leur ami mais la défense des droits des animaux ? On peut se poser la question tant le film est frondeur à ce sujet.
Quitte à choquer d'ailleurs. De nombreuses scènes nous présentent les expérimentations cruelles qu'a subi Rocket plus jeune, alors entre les mains d'un scientifique mégalo bien décidé à concevoir un "monde parfait". Cruauté dont ses amis, des animaux aux implantations robotiques, furent aussi les dramatiques victimes. En fait, Les gardiens de la galaxie 3, c'est Babe, le cochon devenu berger, mais en plus glauque et dégueu, tendance film de science-fiction un brin trash qui ne ménage pas son spectateur. Pas forcément hyper feel good pour les fans de Disney.
Sur Twitter d'ailleurs, on s'avoue surpris de cette inattendue tournure : "l'ambiance poisseuse des Gardiens de la Galaxie 3 avec ses animaux issus d'expériences de laboratoire, une base spatiale faite de chair et des hybrides humain/animaux...", "C'était super cool mais je tiens à dire qu'il y a beaucoup de torture / expérimentations sur animaux et que c'était difficile à regarder", "Si vous êtes sensible à la violence sur les animaux par pitié n'allez pas voir ce film j'ai jamais autant subi un film c'était affreux j'ai pleuré du début à la fin !", peut-on lire.
Un "trigger warning" qui fait bien d'être énoncé effectivement : James Gunn n'a pas vraiment pitié de nous et ne nous épargnera rien. Mais cette poisse n'est pas gratos, elle est politique. Le cinéaste s'est permis d'associer au chant du cygne de la franchise la plus attachante des studios Marvel, un discours frontal sur la souffrance animale, sachant que le message en question se propagera auprès du plus grand nombre. Un moove audacieux.
En dédiant le maximum de place à Rocket Racoon, ce volet l'érige à la fois en personnage complexe, torturé par une violence qu'on lui a infligé et qu'il n'a d'autre choix que de renvoyer, mais aussi en étendard militant de la cause animale : c'est finalement lui qui fera office de grand libérateur des cobayes de laboratoires - ou plutôt, des pauvres créatures enfermées dans de véritables prisons très craspec.
Lorsqu'il échappe une première fois à ce qui deviendra son ennemi juré, Rocket lui arrache sauvagement le visage, enragé : un autre symbole très fort suggérant que l'humain en général est comme défiguré par l'exploitation qu'il fait subir depuis bien trop longtemps désormais à ceux qu'il considère comme ses subalternes. Il y a quelque chose de révolutionnaire dans la colère, puis dans le soulèvement de ce perso plus du tout marginal.
Et puis il y a aussi tout cet arc bien moins anecdotique qu'on ne pourrait le croire autour du nom de "Rocket Racoon". Rocket refuse qu'on l'appelle "racoon" car cela le renvoie à sa condition de "raton-laveur", et donc, à sa souffrance. Ce n'est qu'au bout d'un long cheminement qu'il acceptera cette part de son identité, rejetant à la même occasion ce à quoi on le condamnait quand il était enfermé : n'être qu'un numéro.
Des sous-textes nombreux qui parsèment le film et en disent long. Lorsque Rocket remet sur le devant de la scène l'animal qu'il est en assumant son nom de "raton laveur" (mais aussi sa part d'humanité : son surnom Rocket), c'est l'animal tout court qu'il estime, ce qu'on a peu l'occasion de faire : les vidéos de chats "cro mignons" ne font pas vraiment le poids face à la consommation encore massive de viande animale.
L'intelligence du film, c'est d'associer organiquement tout ce postulat à la vie même de Rocket, à ses traumas, à sa condition. Et à son avenir, aussi : comme pour nous suggérer que la grande libération des animaux qu'il permet doit aussi s'inscrire dans un autre futur - le nôtre. Il y a du taf, mais les associations sont enthousiastes. Elles se disent qu'une oeuvre aussi pop (colorée, rock, drôle) que Les gardiens de la galaxie 3 peut éveiller des consciences.
La preuve ? La PETA, référence première des associations de défense des droits des animaux à l'international, a carrément délivré un prix à James Gunn, qualifiant son film de "chef d'oeuvre", et rappelant aux spectateurs "que tous les animaux méritent une vie de liberté à l'air libre plutôt que d'être enfermés dans des cages de laboratoires". La PETA détaille au passage que plus de 100 millions d'animaux souffrent et meurent aux États-Unis chaque année dans le cadre de tests de produits chimiques, de médicaments, d'aliments et de cosmétiques...
C'est aussi parce que Rocket est sur la même longueur d'ondes que ses compagnons (blessures enfouies, amour immodéré pour la musique, un talent énorme) que sa dimension humaine n'en est que plus éclatante. En fait, James Gunn propose le premier film Marvel "animaliste" : l'animalisme, c'est le fait de défendre les droits des animaux non seulement pour des raisons écologistes, mais aussi pour des raisons éthiques, morales...
Et c'est totalement le cas durant ces 2h30. Au risque de cliver, animalisme et antispécisme n'étant pas vraiment les mots les plus pop du dico. Et pourtant, le public est là. Et la presse américaine se réjouit de ce discours, dont le très mainstream USA Today : "L'histoire de Rocket est déchirante et poignante, et il y a de fortes chances que vous versiez des larmes. Pourtant, c'est une étape importante pour comprendre ce qu'est l'objectif de ce film : que chacun ait un peu plus d'empathie envers toutes les créatures, à fourrure ou non".
Pas mieux.