Aujourd'hui, on ne choquerait pas grand monde en avançant que Citizen Kane est considéré comme l'un des meilleurs films de l'histoire. Le long métrage d'Orson Welles, qui avait à peine 25 ans au moment de sa sortie, a été désigné comme tel à de nombreuses reprises. Pourtant, lorsqu'il est arrivé en salles, il n'a pas vraiment eu la vie facile.
Citizen Kane a toujours eu l'opposition totale de William Randolph Hearst, un homme d'affaires américain dont Welles s'est inspiré pour façonner le personnage de Charles Foster Kane. Hearst s'est indigné de cet affront et a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la sortie du film.
Cependant, la société de production RKO et Orson Welles n'ont pas cédé face à la pression de Hearst et le film a fini par rejoindre les salles de cinéma, mais le magnat a insisté pour qu'il ait une disponibilité limitée. Cela l'a conduit à un début modeste au box-office - Welles lui-même a admis que le cinéma était vide lors de sa première à Chicago - ce qui, associé à l'échec de La Splendeur des Amberson, a d'abord conduit au départ de George Schaefer, président du studio à cette époque, et peu après de Welles lui-même en 1942.
Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui s'est produit quelques mois plus tôt, puisque Citizen Kane a été nommé pour 9 Oscars et a finalement remporté le prix du meilleur scénario original. Ca peut paraître très peu compte tenu du prestige que le film a acquis au cours des années suivantes, mais le fait est qu'à chaque fois que son titre était énoncé dans certaines des catégories auxquelles il aspirait, les huées étaient constantes.
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Il semble clair que l'influence de Hearst, qui avait auparavant interdit toute mention de Citizen Kane dans tous les médias qu'il contrôlait, a joué un rôle fondamental dans l'accueil glacial du film lors du gala organisé à l'hôtel Baltitmore de Los Angeles le 6 février 1942, mais il peut y avoir eu d'autres facteurs.
Par exemple, Variety a rapporté après la cérémonie qu'il aurait pu y avoir d'autres raisons, comme par exemple que les neuf nominations pour le film étaient en quelque sorte des excuses pour les mauvais traitements subis par les médias de Hearst. De plus, les figurants pouvaient voter à cette époque dans plusieurs catégories et l'image qu'ils avaient de Welles n'était pas vraiment bonne, disant même dans l'article que "ce type était un c*nnard"...
Tout cela a créé le terrain idéal pour le mauvais accueil que Citizen Kane a reçu lors du gala. Hearst a sûrement vu cela comme un triomphe, malgré l'Oscar remporté par le film de Welles. Rira bien qui rire la dernier...
Après avoir quitté les cinémas des États-Unis, Citizen Kane s'est retrouvé dans une sorte de vide, car dans de nombreux pays européens, il a fallu un certain temps avant qu'il puisse sortir, à cause de la Seconde Guerre mondiale - il n'arrivera dans les cinémas français qu'en 1946 et même en 1966 en Espagne -, ce qui fait que son prestige grandit lentement.
Dans son pays natal, ce n'est que lorsqu'il a commencé à être vu à la télévision, au milieu des années 1950, qu'il a commencé à être apprécié avec la même appréciation qu'on lui accorde aujourd'hui. Il est intéressant de noter qu'à cette époque, sa renommée internationale a également augmenté, puisque 100 historiens l'ont choisi comme l'un des 12 meilleurs films de l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958.
Il y a eu des huées là aussi, mais c'était à cause d'un groupe de jeunes réalisateurs annonçant leur Top 6 et laissant de côté Citizen Kane. Cela faisait 16 ans depuis l'humiliation aux Oscars, mais les rôles se sont inversés pour de bon.
Quatre ans plus tard, Citizen Kane a été choisi pour la première fois comme le meilleur film de l'histoire dans l'enquête que Sight & Sound réalise chaque décennie auprès des critiques. Il figura à nouveau en tête de liste à cinq reprises, mais en 2012, il fut détrôné par Sueurs froides, l'une des oeuvres les plus acclamées d'Alfred Hitchcock. Lors de la dernière édition, qui a eu lieu en 2022, il s'est classé troisième.
Article écrit en collaboration avec nos collègues d'Espinof.