Meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario original, meilleure actrice, meilleur second rôle masculin, meilleur montage, meilleure actrice dans un second rôle... Elle semble interminable, cette liste : c'est celle des Oscars décernés à ce qui fut, qu'on le veuille ou non, l'un des grands films de 2022.
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Ce film, c'est le bien nommé Everything Everywhere All At Once - tout, partout, tout à la fois - de Dan Kwan et Daniel Scheiner - appelez-les "les Daniels" - qui non content de littéralement braquer la 95e cérémonie des Oscars face à un certain Steven Spielberg (et son The Fabelmans) a déchaîné les passions.
Car que penser de cette histoire de "multiverse" (plusieurs dimensions, les mêmes personnages) mixant cinéma d'arts martiaux, philosophie existentialiste, satire et mélodrame ? Ce film d'action dingue clive beaucoup, car il propose beaucoup. Raison de plus pour le rattraper gratuitement en streaming - jusqu'à la fin septembre - sur le site de francetv !
Et, à l'heure où ses réalisateurs entreprennent carrément de se réapproprier Star Wars (avec l'écriture d'une nouvelle série estampillée Disney +, Skeleton Crew, dérivée de l'univers initié par George Lucas en 1977), il faut s'attarder sur ce véritable ovni qualifié au choix de claque, ou bien de catastrophe.
Pourquoi tant d'émoi ? C'est simple...
Everything Everywhere All At Once a suscité un chaos critique.
"En roue libre, les " Daniels " confondent grand n'importe quoi et licence poétique", tacle ainsi Le Monde, aux antipodes de Mad Movies, qui sacre l'oeuvre en "film somme d'une grande puissance émotionnelle", quand les Cahiers du Cinéma fustigent à l'inverse "un film qui fracture et cite de travers les films des Wachowski". Cet ovni, un sous-Matrix ? Oui diront certains, à moins qu'il ne s'agisse d'un "clip géant" (Télérama), d'un "roller coaster grisant" (L'écran fantastique), d'un euphorisant "milk shake" (Bande à part). Au choix !
Sur Twitter encore, les opinions acerbes d'internautes férus de toiles ne manquent pas. C'est souvent violent, comme si l'oeuvre générait avant tout des émotions exacerbées.
Ceux qui ont vu le premier long-métrage des mêmes auteurs (Swiss Army Man, avec Daniel Radcliffe et Paul Dano) savent par ailleurs que les Daniels sont insaisissables. Dans ce premier film-ci, les réalisateurs relataient le récit d'un corps inerte pétomane (oui) faisant office de seule compagnie pour un naufragé isolé sur une île déserte.
C'était déjà fou, tragicomique, mordant, à la fois dérangeant, absurde, et d'une drôlerie grinçante. Everything Everywhere All At Once pousse le bouchon encore plus loin en tirant le portrait d'une gérante asio-américaine de blanchisserie devant gérer une fille instable, un couple en déclin et... un univers parallèle. Où, en véritable reine des combats chorégraphiés, elle va se livrer à d'impitoyables bastons aux proportions illimitées....
Daniel Kwan et Daniel Scheinert sous-couvert de foisonnance pop à la Matrix (l'influence des soeurs Wachowski est évidente) délivrent un hommage aux cinémas asiatiques, en accordant à la légendaire Michelle Yeoh un rôle de premier plan. Mère, combattante, amante... Une partition qui lui vaudra un Oscar !
Oui, l'oeuvre très "puzzle" ou "mosaïque" des Daniels divise même après les Oscars, car elle ne vibre que par l'excès. Tout y est démesuré : les séquences les plus physiques, l'expression des sentiments des personnages, les hommages à la pop culture (dont un clin d'oeil à Wong Kar Wai et son In the mood for love). Ca ne s'arrête jamais, comme pour épuiser un public qui, au choix, en redemande... ou démissionne.
Exceptionnel, forcément.