Les Oscars, c'était le programme indispensable pour tous les cinéphiles insomniaques, et c'était pas si mal : le chien Messi - héros inattendu du Palmé et Césarisé Anatomie d'une chute - qui applaudit de ses deux pattes pendant que Ryan Gosling s'en amuse, Billie Eilish qui remporte le second Oscar de sa vie pour Barbie, Spielberg qui câline Christopher Nolan... De belles images en perspective, mais sans grande surprise à notre goût.
C'est le maître mot de ce palmarès finalement : prévisible. L'excellent Oppenheimer de Christopher Nolan repart donc avec sept statuettes, et les plus prestigieuses qui soient - Film, Réalisation, Photographie, Acteur, Acteur dans un second rôle, Musique, Montage - mais difficile de s'en étonner puisque le film était le plus majoritairement nommé (nommé, et pas nominé : pitié, ne faites plus jamais cet abus de langage, merci). C'était ce soir ou jamais pour récompenser le réalisateur de Tenet et The Dark Knight. Ca, c'est fait !
Une victoire méritée oui, mais qui ne vient pas bousculer les lignes. Ainsi si les résultats des tout récents Golden Globes ont retenti à vos oreilles, vous pouviez paisiblement dormir cette soirée-là tant ceux des Oscars en sont comme souvent la copie pure et dure : couronnement de Cillian Murphy (enfin !), de Nolan, mais également de la révélation féminine détonante Da'Vine Joy Randolph (Winter Break) et bien évidemment d'Emma Stone, Meilleure actrice pour Pauvres créatures... Et actrice qui a recueilli toutes les statuettes adéquates lors des dernières cérémonies outre-Atlantique.
Quand deux cérémonies fondamentales du paysage US semblent interchangeables, on ne peut pas vraiment dire que le spectacle offert soit réellement captivant. Des happening (Ryan Gosling qui interprète I'm Ken : seuls les rares à ne pas avoir vu Barbie auraient pu feindre l'étonnement, autrement dit trois personnes dans le monde) aux récompenses décernées, les décisions audacieuses étaient clairement aux abonnés absents.
La preuve ? Le choix de couronner Emma Stone, déjà lauréate d'un Oscar, en lieu et place de Lily Gladstone. C'est une décision abondamment commentée sur les réseaux sociaux. L'actrice d'origine amérindienne livre dans The Killers of the Flower Moon, la fresque de Scorsese, une performance tout en intériorité, subtile, nuancée. Et pourtant, d'un seul regard, elle dévore tout cru Leonardo Dicaprio. Bel exploit, non ? Cependant, sa partition était loin d'être hyper démonstrative et sur expressive : pas très "Oscars" dans l'âme donc.
Dommage, d'autant plus que récompenser une star d'origine amérindienne aurait participé à noircir les manuels d'histoire. Tout aussi audacieux aurait été le choix de sacrer contre toute attente la réalisatrice d'origine sud-coréenne et canadienne Celine Song dans le domaine de la Meilleure réalisation (ce qui aurait été clairement mérité par ailleurs), pour Past Lives, qui renverse les codes de la romance avec une grande finesse. C'est d'ailleurs l'un des derniers films préférés de Christopher Nolan, lauréat du prix en question...
Cependant, hormis les petits badges "Free Palestine" portés par l'équipe du film Anatomie d'une chute (reparti avec l'Oscar du meilleur scénario, pour ses auteurices Justine Triet et Arthur Harrari) on retiendra surtout un choix politique, celui de l'Oscar du meilleur documentaire, décerné à 20 jours à Marioupol. Soit une immersion risquée et insoutenable au coeur de la Guerre en Ukraine : un film indispensable dont l'on vous parle ici.
De même, si l'on salue la reconnaissable du super succès japonais Godzilla : Minus One (Oscar des meilleurs spéciaux, la classe) voir l'Oscar du meilleur film d'animation décerné à Hayao Miyazaki n'a pas surpris grand monde. On aurait bien imaginer le très rafraîchissant dessin animé Mon ami robot, improbable love story queer (ou histoire d'amitié selon certains) entre un chien et un robot, remporter le précieux sésame.
Rien de révoltant, mais rien de très marquant non plus donc durant cette longue soirée américaine d'une absolue tranquillité. A l'année prochaine pour plus de surprises ? Allez, on croise les doigts.