Muriel Robin a mis le feu aux réseaux sociaux. La raison ? Sa prise de parole très remarquée, dans l'émission Quelle époque, le 16 septembre dernier : "Je suis la seule dans le monde entier à dire mon homosexualité. Vous entendez, la seule actrice au monde, et c'est pour ça que pendant 30 ans, on ne m'a pas fait travailler dans le cinéma".
Une manière de briser un tabou face à Léa Salamé. Et elle a poursuivi, devinant ses contradicteurs : "Il y a bien sûr Jodie Foster, mais qui s'est tue pendant 30 ans. Ou Kristen Stewart qui était d'abord avec Robert Pattinson, donc son homosexualité était un peu sexy, un peu rock".
Sur la page Twitter de l'émission, ses contradicteurs, justement, vont sans s'en douter dans son sens : ils ne citent que des exemples anglophones. Neil Patrick Harris, Cara Delevingne, Peter O Toole, Jim Parsons, Ian McKellen... Plus de noms masculins que de noms féminins d'ailleurs : ce qui donne une petite idée de ce que dénonce précisément Muriel Robin, à savoir la réalité de la lesbophobie dans le monde du spectacle hexagonal.
Beaucoup lui donnent tort. Florilège de tweets : "Elle se victimise en permanence : elle ne fait pas de cinéma car elle n'est pas douée dans ce domaine, point final", "Ah bon, elle est homosexuelle ? Mais on s'en fiche en fait, c'est l'artiste qu'on regarde", "Qu'elle se questionne sur son absence totale de talent...", "Je ne savais pas qu'elle était homosexuelle. En revanche j'ai toujours su qu'elle n'était pas bonne comédienne".
Pourtant, l'homophobie dans le petit monde du cinéma est une réalité... Et des rapports le démontrent même noir sur blanc.
Mettre des chiffres sur les mots dérangeants de Muriel Robin, c'est ce qu'ont souhaité bien des internautes. L'un d'entre eux est venu épingler cette étude chiffré très intéressante du collectif 50/50. Collectif féministe bien connu où figurent des cinéastes comme Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) et Rebecca Zlotowski (Une fille facile, Les enfants des autres) et qui oeuvre pour l'égalité des sexes dans le cinéma.
>> Quel est le réseau social le plus toxique pour les personnes LGBTQ ? (ça va t'étonner... ou pas !) <<
Une enquête statistique qui semble appuyer le coup de gueule de Muriel Robin : oui, les lesbiennes sont les grandes invisibles du cinéma français. En passant au peigne fin 100 films français ayant bénéficié des plus importants budgets (de 3 à 30 millions d'euros) et 100 films ayant réalisé le plus d'entrées en salles (entre 85.000 et 6 millions de personnes), le collectif a effectivement observé une omniprésence des personnages hétérosexuels (à 95%) et une grande rareté des personnages homosexuels et bisexuels, à raison de 3% et 2% seulement. Pas hyper queer comme résultats.
"Outre d'être très peu visibles, les personnages homosexuels et bisexuels sont également fortement stéréotypés", déplore en outre cette enquête. Stéréotypés, c'est à dire : beaucoup plus sexualisés que les hétéros ( 59% d'entre eux sont montrés nus "de façon importante ou suggérée"), célibataires, forcément féminins lorsqu'ils sont bis...
Et quand les personnages n'existent pas ou peu à l'écran, cela en dit long sur le sort des artistes concernées. Tout aussi invisibles.
Chose que vient confirmer un acteur sur Twitter : "Muriel Robin a raison. Je suis acteur et un jour un directeur de casting m'a dit : 'Tant que nous aurons des producteurs hommes blancs hétérosexuels, ça ne changera pas"... Or 95% des personnages sont hétérosexuels dans les films français, 3% bis et 2% homosexuels...".
Et pour certaines personnalités, ca ne se limite pas au ciné...
Ainsi sur Twitter, l'animateur Christophe Beaugrand est venu apporter son témoignage concernant le merveilleux monde des écrans : "j'ai interviewé plusieurs acteurs qui cachaient leur homosexualité. Un notamment, souvent en premier rôle qui dit que s'il faisait son coming out on ne lui proposerait plus que des rôles de gay".
L'une des grandes problématiques est là : craindre de faire son coming out pour être catalogué, étiqueté, mis au banc. Soit ne plus avoir de rôles, soit, n'avoir que des rôles stéréotypés. Non seulement les rôles manquent, mais ils ne sont pas bons : alors, que fait-on ? Une interrogation qui reste en suspens.
Mais est-ce vraiment mieux ailleurs ? Beaugrand, à propos du PAF : "Pour citer mon exemple perso, beaucoup de gens m'ont déconseillé de parler de mon homosexualité en me disant que ça risquait de me freiner. J'ai plusieurs fois entendu dire que ça m'avait fait louper des projets. J'ai un collègue homo animateur dont la chaîne lui avait expressément demandé de ne pas en parler, comme si le public allait soudain le bouder".
Et si Muriel Robin dérangeait... car elle touchait juste ?