Anatomie d'une chute, Le procès Goldman, Oppenheimer... Les films de procès abondent dans les salles et cela devrait réjouir les cinéphiles. Rhétoriques captivantes, avocats hyper impliqués, contradictions vertigineuses, ce genre bien spécifique demeure l'un des meilleurs du septième art. La preuve en sept exemples aussi bouleversants qu'éclectiques.
Anatomie d'une chute , Le procès Goldman... Ces deux films de procès hexagonaux (et géniaux) vous attendent encore en salles actuellement. Le scénariste du premier incarne d'ailleurs un avocat dans le second. Mais l'an dernier, le genre était déjà magnifié en France avec Saint Omer d'Alice Diop, récompensé d'un César. Un film de procès pas comme les autres, qui relate le jugement d'une femme accusée d'infanticide.
Pas comme les autres, par sa mise en scène qui oscille entre approche documentaire, reconstitution implacable, et fiction pure, en proposant toute une réflexion sur la maternité, les femmes, la création. De par l'élocution de son actrice principale, très spécifique (extrêmement lettrée) et les décalages qui en émanent. Mais derrière son vernis glacial, Saint Omer délivre aussi une puissance d'évocation qui n'a d'égale que celle de son sujet choc.
Un homme gay atteint du Sida décide de poursuivre les employeurs responsables de son licenciement abusif. Porté par un duo mémorable (Tom Hanks au firmament, Denzel Washington et ce charisme qui n'appartient qu'à lui) Philadelphia déploie au tribunal les minorités stigmatisées de la société américaine : noirs, homosexuels, victimes du Sida... En un mélodrame juridique intense émotionnellement. Les chansons de Bruce Springsteen et Neil Young viennent subtilement nous achever. Préparez vos mouchoirs.
En France, on est décidément très, très doués pour les films d'enquêtes et de procès, et cela tombe bien, cette fiction mettant en scène Eric-Dupond Moretti (oui oui), incarné par Olivier Gourmet, compile les deux. Ce n'est pas l'homme de loi qui est au coeur de l'intrigue cependant, mais celle qui cherche à démêler le vrai du faux dans une affaire nébuleuse : une jeune femme anonyme qui se lance à corps perdu dans une investigation, en mode Zodiac, tableaux en liège et post it inclus. Celle-ci est interprétée par une Marina Fois plus impliquée que jamais. C'est captivant.
Voilà une intéressante déclinaison du film de procès : le film d'interrogatoire. Pas de procès pour Reality Winner, l'héroïne de ce récit, mais une longue et retorse conversation chez elle en compagne de deux agents du FBI désireux d'en savoir plus sur ses activités "secrètes".
Tiré d'une histoire vraie, Reality est une oeuvre-concept fascinante : l'interrogatoire originel est reproduit au mot près, documents réels et fiction s'emmêlent, photos et fichiers audio viennent troubler le public dans son rapport à ce qui est faux, et ne l'est pas. Et ce dans un récit qui comme dans toute histoire de procès mixe forcément mensonges, vérité et manipulations. Avec une Sydney Sweeney enfin émancipée d'Euphoria !
Trop passé inaperçu lors de sa sortie salles, La fille au bracelet nous narre le jugement édifiant d'une jeune ado de 17 ans accusée de meurtre. Et plus précisément, du meurtre de l'une de ses amies de lycée. Face à elle dans la Cour, rhétorise une avocate incarnée par l'excellente Anaïs Demoustier. Dans ce film, le point de vue de l'accusée importe autant que celui de son père, désemparé. Une oeuvre d'une indéniable maîtrise, où quand le drame familial éclot du film de procès, et inversement. Avec une future grande : Melissa Guers. Retenez bien ce nom.
Le film qui a valu l'Oscar à Julia Roberts lui a également offert son rôle le plus intime et politique. Soit l'histoire (vraie encore une fois) d'une mère de famille solo dans la galère qui va révéler un scandale de très grande envergure à base de pollution des eaux. Humour, classe, grâce, naturel, détermination à toute épreuve : toutes les raisons d'aimer la grande Julia se retrouvent dans ce portrait de femme en quête de justice, figure d'indignation citoyenne qui vient faire trembler la Cour et les puissants.
C'est le b.a-ba, la colonne vertébrale, l'ADN des films de procès. Douze jurés doivent décider du sort d'un homme. Et l'un d'entre eux évidemment se pose en contradicteur. On voit toujours les fictions du genre du côté des présumés coupables ou présumés innocents, des avocats forcément brillants, des juges torturés, voire des médias, mais jamais des jurés. Sidney Lumet offre au cinéma une oeuvre d'exception donc, et dont les enjeux (justice, tribunal populaire, vérité, nuances, débats) sont encore diablement d'actualité.