Le nom de Jill Goldston ne vous dit peut-être rien, et pourtant, vous l'avez certainement déjà aperçue sur vos écrans. Cette actrice britannique de 81 ans, qui a débuté sa carrière en 1963 dans le film Just for Fun, possède la plus incroyable des particularités : celle d'avoir joué dans plus de 1951 films ou épisodes de séries.
Une performance impressionnante qui lui permet aujourd'hui d'être à la tête de l'une des filmographies les plus emblématiques du milieu (Aliens 2, La petite boutique des horreurs, Superman IV ou encore Doctor Who), et qui lui a récemment valu l'honneur d'entrer dans Le Livre officiel des records. Le twist ? Très souvent au cours de ces projets, elle possédait le même rôle : celui d'une figurante placée en arrière-plan d'une scène.
Un rôle généralement jugé ingrat en raison des conditions de tournage imposées et dénigré par le public, mais qu'elle affectionne tout particulièrement. Auprès du Guardian, Jill Goldston a merveilleusement rappelé que de tels comédiens, aussi invisibles ou snobés soient-ils, étaient aussi importants à l'écran que tout le reste d'une production : "Les films seraient terriblement ennuyants sans les figurants. On entrerait dans une station de métro et celle-ci serait vide".
Surtout, contrairement à ce que l'on pourrait penser au regard de la longévité de sa carrière, elle n'a aucunement fait ce métier avec l'espoir d'obtenir autre chose : "Je n'ai jamais eu l'envie d'être connue. Je vois des gens qui en rêvent, mais ce n'est pas aussi génial". En réalité, elle s'est simplement épanouie avec ce travail de l'ombre pour deux raisons. La première, il lui permettait de bien gagner sa vie sans trop en faire (elle pouvait travailler seulement dix jours dans le mois, sans avoir les contraintes d'une réelle serveuse ou d'une véritable infirmière qu'elle incarnait à l'écran). La seconde, elle profitait de ces différents projets pour faire des rencontres inoubliables.
"Les figurants sont tout en bas de l'échelle et vous n'avez jamais le droit de parler aux stars, à moins qu'elles engagent elles-mêmes la discussion", a souligné l'actrice. Or, cela ne l'a jamais empêchée de se créer des souvenirs mémorables. Comme cette fois où, sur un tournage, elle a été invitée à remplacer l'actrice Joanne Whalley lors d'une scène romantique avec Timothy Dalton (ex-James Bond) : "Il ne s'entendait pas avec sa co-star, donc j'ai dû participer à la scène d'amour avec lui. Je priais, 'S'il vous plait, mon Dieu, je ne veux pas avoir les mains moites quand il me les tiendra'".
Ou encore, cette rencontre tellement marquante avec un autre figurant sur le tournage de The Virgin Soldiers en 1969, qu'elle donna lieu à une étonnante scène, plus de dix ans après, sur le plateau de Baal (1982). "On s'est retrouvés et il est venu me voir pour me dire, 'Ce n'était pas toi sur ce tournage ?' On a mangé ensemble à la cantine et on s'est mis à parler de choses mondaines". L'intérêt de cette anecdote ? Entre-temps, ce figurant était devenu une star mondiale, plus connue sous le nom de... David Bowie.
Et on ne vous parle même pas de cette fois où l'acteur Warren Beatty lui avait proposé un plan à trois avec Jack Nicholson à l'époque du film Reds (1981). Une proposition qu'elle avait malheureusement dû refuser car... elle était mariée et fidèle.
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En soixante ans de carrière, Jill Goldston a donc tout connu. À l'exception d'une chose : la reconnaissance. C'est en effet le problème avec le rôle de figurant, vous êtes peut-être payé pour jouer et on vous voit probablement à l'écran, mais il est malheureusement très rare de voir votre nom ajouté au générique. Une situation qui n'a jamais ému l'actrice, mais qui a malgré tout eu le droit à une belle happy ending en 2023.
Après avoir découvert son histoire sur Internet, postée par son mari qui a toujours scrupuleusement noté ses projets dans un carnet, le réalisateur Anthony Ing a décidé de lui consacrer un documentaire de 18 minutes intitulé Jill Uncredited. De quoi ainsi rendre hommage à sa carrière, mettre en lumière ces personnes de l'ombre, et offrir à Jill Goldston l'opportunité d'être enfin au centre de l'intention, notamment lors du prestigieux Festival de films de Berlin (La Berlinale) où le film y a été projeté.
"Je ne me suis pas regardée à l'écran durant la projection, a-t-elle confié. Je regardais toutes les personnes qui étaient derrière. Et je me disais, 'Oh, voilà untel et unetelle'. Et c'était si merveilleux de tous les revoir". Un parcours inspirant qui nous rappelle pourquoi le monde du cinéma est aussi magique.
Si vous souhaitez découvrir le documentaire, Jill, Uncredited, sachez qu'il est disponible sur MUBI, via la plateforme Prime Video d'Amazon. Point positif ? Il existe une période d'essai gratuite, ce qui vous évitera de payer un abonnement supplémentaire.