Avant d'être sur Netflix, la mini-série Dérapages - composée de 6 épisodes et portée par Eric Cantona, a été diffusée sur Arte. Et avant d'être diffusée sur Arte, cette histoire s'est déroulée dans le monde réel. Car oui, incroyable mais vrai, Dérapages est inspirée de faits qui se sont déroulés en 2005 en France.
Dans la série réalisée par Ziad Doueiri (Baron noir), un PDG d'une grande entreprise qui s'apprête à licencier des milliers d'employés décide de recruter un nouveau DRH capable de mener à bien une telle mission, qui s'annonce humainement difficile. Aussi, afin de trouver le profil idéal, il opte pour une solution improbable : organiser une fausse prise d'otages. A travers ça, il souhaite découvrir la résistance à la violence des candidats, leurs réactions face à la pression et jusqu'où leur loyauté ira en faveur de l'entreprise.
Un concept improbable sur le papier, qui a pourtant réellement vu le jour chez France Télévisions. Alors on vous rassure tout de suite, le personnage d'Alain Delambre (Eric Cantona) et son craquage est fictif, et aucun réel mercenaire n'a été recruté pour cette horrible mise en scène. Toutefois, comme le raconte une passionnante enquête de Médiapart, une véritable prise d'otages a été imaginée afin de tester la résistance de différents salariés.
Rendez-vous le 25 octobre 2005 au château de Romainville à Ecquevilly. Ici, une douzaine de salariés qui constitue le comité de direction de la régie publicitaire de France Télévisions sont invités par Philippe Santini, le directeur général, à une mise au vert afin de s'aérer l'esprit et apprendre à mieux se connaître. Pourtant, ce qui s'apparente à une belle initiative de "Team Building" tourne rapidement au cauchemar quand "un commando de neuf personnes cagoulées, en tenue de treillis et lourdement armées" débarque dans une salle de réunion et prend en otage chacun des cadres présents.
L'objectif du groupe ? Officiellement, il "revendique la remise d'un million d'euros et la diffusion d'une cassette vidéo au journal de France 2, le soir même." En réalité, il s'agit d'un coup-monté par Philippe Santini qui, afin "d'éprouver la résistance au stress de ses plus proches collaborateurs", a tout simplement recruté des agents du GIGN prêts à tout pour se faire un peu d'argent de poche. Mais ça, bien sûr, aucun des cadres pris en otage n'est mis dans la confidence.
De fait, pendant près d'une heure et quart, la petite équipe se fait maltraiter, menotter et même cagouler. Et ce qui devait arriver arriva, cette mise en scène tordue a de terribles conséquences. Médiapart le précise, la directrice commerciale doit être évacuée en urgence après s'être retrouvée "en état de choc", ce qui met fin immédiatement à cet événement, tandis que la plupart des collaborateurs présents, qui décriront ce piège comme un "véritable acte terroriste", avoueront plus tard être victimes de stress post-traumatique. Aujourd'hui, nombreux sont ceux à avoir quitté l'entreprise et ressentir encore des dégâts psychologiques.
Pour l'anecdote, 4 ans après les faits, Philippe Santini - visé par une plainte au pénal, se verra condamné pour "complicité de violences volontaires aggravées, avec préméditation et usage ou menace d'une arme et séquestration", au même titre que le leader du commando. Néanmoins, Philippe Santini ne quittera son poste... qu'en 2012.