C'est au bien connu 116 bis de l'Avenue des Champs-Élysées que je me suis rendu ce 22 mai, soit trois semaines avant la fermeture définitive du lieu qui y figure : le cinéma UGC Normandie. En fait, on l'appelle plus communément : le Grand Normandie. Mais ne vous y trompez pas, il s'agit précisément du nom de l'une de ses quatre salles, légendaire dans la capitale : la deuxième plus grande salle de Paris après celle du Grand Rex.
Un multiplexe UGC comme les autres ? Loin s'en faut. Planté en plein milieu d'un endroit emblématique - l'Avenue des Champs donc - où se succèdent boutiques de luxe et fast food hyper-fréquentés, ce cinéma est un lieu de pèlerinage très familier des cinéphiles. Hélas, c'est la fermeture qui guette cet établissement que Le Monde qualifie carrément de "Vaisseau amiral des cinémas parisiens" et de "plus belle salle du monde" (un qualificatif qui fut employé lors de son ouverture au siècle précédent). Une clôture due à une chute de fréquentation et à des impératifs financiers - des loyers trop importants. Le 13 juin, ce sera fini du Normandie - et donc de la salle Grand Normandie.
Et cette impression de chant du cygne se ressent puisque dès l'entrée, et sur les écrans des salles, avant le début des séances, l'on peut lire un gigantesque "MERCI UGC NORMANDIE". Presque un slogan, mais surtout, un appel à venir (re)découvrir les films "rétros" qui y sont projetés tout au long du mois de mai et jusqu'au 13 juin. Je vous cite mes favoris parmi une ribambelle de choix : 2001 l'odyssée de l'espace, In the mood for love, Drive, Casino, Akira, 8 femmes, L'exorciste, Le voyage de Chihiro... Sans oublier les sagas Harry Potter et Matrix. La liste est longue.
Pour ma part, j'ai souhaité faire honneur à ce lieu incontournable de la cinéphilie parisienne en donnant sa chance à un film que je n'avais jamais vu : Gatsby le magnifique, l'adaptation d'un classique de la littérature américaine (et par ailleurs un chef-d'oeuvre) par Baz Luhrmann, l'auteur de Moulin Rouge ! et Elvis. L'occasion surtout de vous décrire les lieux et de vous raconter pourquoi ils sont si marquants aux yeux du public.
Malgré sa devanture à l'architecture atypique - je note d'ailleurs, et c'est un joli hasard, que ces motifs striés ressemblent à ceux qui figurent sur l'affiche de Gatsby le magnifique - c'est surtout l'intérieur du cinéma qui vaut le détour et détonne. Et pas simplement car près des stands confiserie et popcorn, on croise toute une élégante série de cadres présentant des portraits de stars en noir et blanc - dont la reine Deneuve, au-devant de la salle.
Ma séance prend place dans la salle 1, le Grand Normandie. Elle se constitue de 862 fauteuils. Chercher sa place - on a choisi le siège au préalable - revient presque à faire une chasse aux trésors. Mais le plus marquant, c'est le plafond. Un pan du lieu imaginé au siècle dernier par les architectes Pierre de Montaut et Adrienne Gorska.
Qu'importe la place où vous vous situez (j'ai pour ma part opté pour l'extrême d'une longue rangée) vous ne pouvez pas éviter un geste que chacun(e) reproduit à l'unisson en pénétrant dans cette salle : lever les yeux, évidemment. L'UGC Normandie propose un grand amphithéâtre, configuration parfaite pour la propagation du son, dont le plafond détonne par ses motifs en spirales qu'aurait affectionné le Hitchcock de Vertigo.
C'est son ampleur - que l'on retrouve dans certaines salles tout aussi mythiques, comme le Max Linder Panorama qui prend place au sein des Grands Boulevards - et ses hauteurs, témoignant d'une identité esthétique forte, qui font la différence dans une ville où les cinémas UGC abondent. Il est vrai qu'à se caler tranquillement parmi toute cette série de rangées, on pense davantage à la générosité spatiale d'un Grand Rex qu'aux autres multiplexes qui émaillent la capitale. Même si d'autres cinés impressionnent par l'abondance de leurs salles : je pense évidemment à l'UGC des Halles, qui en compte pas moins de... 27 !
>> Les concerts, ça me saoule : merci Pierre de Maere de m'avoir fait changer d'avis à 30 ans ! <<
L'autre grande qualité du Normandie et plus encore de sa salle mythique, je le note, ou plutôt je l'entends, c'est la qualité sonore qu'il propose. Et je le constate d'autant plus que Gatsby le magnifique est un film où la musique importe beaucoup : Jay Z, Sia, Kanye, Beyoncé, et surtout Lana Del Rey (version studio, version instrumentale) se succèdent et leurs créations résonnent dans la salle comme si nous y étions. On comprend que c'est un lieu où l'architecture a été pensée en fonction de l'acoustique.
Le film de Baz Luhrmann fait la part belle aux séquences de fêtes où la bande son vient péter les esgourdes des personnages et les nôtres à l'unisson : une expérience parfaite dans une salle comme celle-ci ! J'en conclus que c'est l'endroit idéal pour goûter aux blockbusters ou tout du moins, aux oeuvres qui proposent un environnement sonore et visuel nécessitant une immersion totale et une qualité technique indéniable.
Au final, je quitte cette salle rassasié, davantage par l'expérience que par le film en lui-même, je dois dire. Un brin le coeur lourd à l'idée de sa fermeture, mais enthousiaste quand je découvre les derniers événements qui vont ponctuer la vie du UGC Normandie avant sa fin de règne.
A savoir ? Deux marathons - les séances s'enchaînent les unes à la suite des autres - et pas des moindres : les sagas Le Parrain (le 01/06) et Le Seigneur des anneaux (le 08/06). Des rencontres exceptionnelles également : avec Claude Lelouch, nom majeur du cinéma français, pour la projection de la version restaurée de son film Un homme et une femme (le 28 mai), mais aussi la masterclass du duo Toledano/Nakache pour une projection de leur géniale comédie Nos jours heureux, le 30 mai, ou encore, excusez du peu, une autre masterclass, celle de Jean-Pierre Jeunet et Mathieu Kassovitz, venus présenter le 30 mai Le fabuleux destin d'Amélie Poulain.
Je précise qu'à l'occasion de cette programmation spécifique, la place est à 6 euros. Vous pouvez d'ailleurs retrouver tous les détails de ces séances - et réserver - sur cette page. Sacré tour d'horizon cinématographique à mes yeux, puisqu'il nous promène de Deauville (Lelouch) à Montmartre (Jeunet). Un dernier baroud d'honneur que ne devraient pas manquer les fidèles habitués du Grand Normandie.