Comme on pouvait s'en douter en découvrant la bande-annonce de Prisoners, ce film bénéficie d'une réalisation bluffante, captant parfaitement l'ambiance froide et angoissante de l'automne associée à une intrigue terriblement glauque. Alors que deux couples d'amis fêtent Thanksgiving, leurs enfants Anna et Joy disparaissent mystérieusement après qu'un étrange camping-car ait fait le tour du quartier. Quelques heures après, un suspect est arrêté mais rapidement relâché pour faute de preuves. De quoi énerver Keller, le père d'Anna, qui aveuglé par la détresse et la vengeance va tout faire pour retrouver sa fille, quitte à franchir la ligne et commettre l'irréparable.
Le point fort de ce film est qu'il est impossible de ne pas nous identifier au personnage de Hugh Jackman. Au contraire, on est finalement pris au piège de cette terrible question : Jusqu'où serions nous prêt à aller pour sauver notre enfant ? Et que ce soit via l'action directe de Keller ou l'action passive de Franklin (père de Joy), la réponse envoyée par Prisoners nous fait froid dans le dos. Difficile d'affirmer que nous serions prêts à torturer un simple suspect pour avoir des réponses, mais il est impossible d'affirmer le contraire. Tout est si réel, si logique et si dramatique, que l'on réalise à quel point il est facile de déraper lorsque la situation nous y oblige. Et plus que la violence des images, c'est celle des sous-entendus nous concernant qui nous installe dans un malaise terrifiant.
Toutefois, si ce film est aussi efficace, il le doit principalement à son casting. Bien que Jake Gyllenhaal soit sympa et convaincant en flic blasé, c'est surtout Hugh Jackman qui nous fascine. Jamais l'acteur nous avait bouleversé à ce point et sa descente aux enfers est parfaitement maîtrisée. Oubliez le super-héros de Wolverine, il nous apparaît ici comme fatigué, à bout de souffle, vidé, abattu et finalement perdu face aux actes de son personnage. N'en faisant jamais trop, il est d'une incroyable justesse.
Toutefois, si l'atmosphère et le casting sont irréprochables, il est difficile d'en dire autant de l'histoire. Bien que l'on reste en apnée la moitié du film, l'autre moitié nous paraît interminable. La faute à une surenchère de twists inutiles ralentissant au maximum l'histoire, pour finalement arriver à une conclusion des plus évidentes. Les sous-intrigues sont rarement intéressantes et il n'est pas rare de sortir quelques minutes du film. En voulant à tout prix nous emmener dans une mythologie macabre, on se lasse très rapidement. Les surprises deviennent répétitives et les quelques personnages secondaires sonnent trop souvent comme clichés.
Au final, Prisoners est une excellente frustration. Loin d'être une magnifique coquille vide – l'histoire reste passionnante - on regrette tout de même que l'intrigue n'ait pas été aussi aboutie que sa mise en scène. Trop évidente et surtout trop grotesque à la fin, celle-ci peut heureusement compter sur un Hugh Jackman à Oscar et un Jake Gyllenhaal des grands jours pour nous faire oublier ces défauts et nous plonger dans l'un des thrillers les plus intenses de ces dernières années.