Suite à la grève des scénaristes et acteurs à Hollywood, que les créateurs soutiennent pleinement, la saison 5 de Stranger Things n'entrera pas en tournage avant (au mieux) début 2024, ce qui signifie que sa mise en ligne sur Netflix ne devrait pas être programmée avant 2025. Oui, à ce rythme-là, Eleven, Mike, Dustin & Cie auront tous 40 ans.
Aussi, afin de continuer à hyper les fans, Shawn Levy (producteur exécutif et réalisateur) a profité d'une récente interview donnée à Total Film pour livrer quelques informations sur les épisodes à venir, qui seront les derniers de la série. Et sans surprise, le partenaire des frères Duffer s'est montré dithyrambique sur les futurs événements.
Le problème ? Comme on peut le découvrir dans ses propos, Shawn Levy n'a pu s'empêcher de tomber dans la déclaration la plus clichée et la plus rageante possible, prouvant un véritable manque de respect pour le format même de Stranger Things. Après avoir confié, "On se doit de rester dans la suite logique de la saison 4 et donc d'étendre notre niveau et notre ambition pour les épisodes de la saison 5", il a donc balancé, "On est dans une sorte de narration cinématographique majeure, mais vraiment majeure, pour quelque chose que l'on considère communément comme une série télé". Et de conclure : "La saison 5 de Stranger Things est aussi énorme que n'importe lesquels des plus gros films que nous pouvons voir au cinéma".
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Certes, ce ressenti apparaît au premier abord comme un véritable compliment plutôt excitant, mais il fait surtout preuve d'une fainéantise intellectuelle lassante. La raison ? Une déclaration de ce genre tend toujours à rabaisser le format des séries qui ne serait jamais au niveau du cinéma, sauf à de rares exceptions. Un sous-entendu aussi frustrant que stupide que l'on entend régulièrement à base de "cette série/saison, c'est comme un film découpé en plusieurs parties", qui n'a aucun sens aujourd'hui.
Si durant des décennies, l'industrie des séries a été regardée avec dédain et mépris par celle du cinéma qui la considérait (injustement) comme moins ambitieuse et créative, la faute à un format feuilletonnant, des mises en scène jugées moins inspirées (les créateurs de Twilight Zone rigolent encore) et une facilité d'accès moins classe (regarder une oeuvre dans son salon serait moins prestigieux que de le faire dans une salle) - c'est d'ailleurs pour cela que les acteurs de séries ont souvent eu du mal à percer au cinéma à une époque, bloqués par un certain snobisme qui leur fermait les portes - la situation a largement évolué depuis plus de 20 ans.
Que ce soit avec Oz, The Wire, Twin Peaks, Breaking Bad, Six Feet Under, Game of Thrones ou Mad Men du côté des dramas, ou encore Seinfeld, Veep, The Office ou Curb Your Enthusiasm du côté des comédies (pour n'en citer que quelques-unes), cela fait longtemps que les séries ont bousculé les codes et se sont réappropriées les façons de raconter des histoires ou de les filmer. Aussi, on ne voit pas en quoi il serait plus prestigieux et important de s'associer à une famille capable de pondre des bouses façon Ant-Man 3, The Flash, Fast and Furious 10, que d'une famille qui se renouvelle et nous surprend continuellement (poke Foundation, Better Call Saul, The Handmaid's Tale...)
Il est temps que certains créateurs de séries respectent leur format et comprennent que les deux industries ont leurs chefs d'oeuvres et leurs bides, leurs qualités et leurs défauts, sans avoir besoin d'en minimiser une pour se faire bien voir de l'autre.