A partir d'aujourd'hui, mardi 15 mars 2011, la Cité de la musique a souhaité rendre hommage à un monument de la culture musicale française. En 2011, Georges Brassens, mort il y a tout juste trente ans, aurait eu 90 ans. Purefans News by Adobuzz vous propose le communiqué de la Cité de la musique avec les détails de l’exposition qui se tient du 15 mars au 21 août 2011.
Crédit : D.R.
I – L’apprentissage de la liberté
La première partie de l’exposition explore les différentes étapes de la jeunesse du jeune Brassens qui ont nourri la formation d’un esprit libre : l’enfance à Sète, bercé par les refrains de l’époque, entre une mère d’origine italienne, fervente catholique et un père maçon, athée et libre penseur ; l’initiation à la poésie grâce à son professeur de français Alphonse Bonnafé ; ses premiers poèmes pour séduire les filles, le goût pour le cinéma, le banjo avec les amis sur la plage, les concerts dans les bistrots de Sète.
Le tournant a lieu à la fin des années 30 quand une condamnation de 15 jours de prison avec sursis met fin aux quatre cents coups : l’occasion toute trouvée de quitter Sète et de tenter sa chance à Paris ; arrivé en février 1940, le jeune homme travaille à peine quelques mois aux Usines Renault puis c’est l’exode et la décision, de retour dans la capitale occupée, de ne plus se prêter au jeu social en travaillant.
La période est marquée par ses premiers écrits publiés à compte d’auteur qui ne rencontrent aucun succès et la volonté de devenir poète. Elle se clôt par le séjour à Basdorf, dans le cadre du Service du travail obligatoire où Brassens se forge des amitiés durables et compose de nombreuses chansons enregistrées plus tard.
II – Auprès de mon arbre
La seconde partie est le cœur de l’exposition : « L’arbre » de Brassens se trouve en plein Paris, dans le 14e arrondissement, quartier qu’il fera sien. Le jeune homme s’est réfugié au 9 impasse Florimont, à l’occasion d’une permission donnée à Basdorf. Il y restera 22 ans, au début dans le plus grand dénuement, toujours soutenu et encouragé par Jeanne. Bien que mariée avec Marcel, et de 30 ans plus âgée que Georges, Jeanne est tombée sous le charme du jeune poète sans le sou. C’est dans ce cadre peu banal que le chanteur écrira la plupart de ses chansons.
Les « racines » de Brassens, c’est aussi la littérature : il fréquente assidument la bibliothèque du quartier où il passe des journées entières à lire, étudier la versification et se forger une culture littéraire qui le hisserait à la hauteur des auteurs qu’il admire : Villon, Hugo, Baudelaire, Gide... Il flâne sur les quais de Seine pour chiner des éditions rares.
Son érudition et son éclectisme nourrissent ses textes futurs, un imaginaire hors du temps, drôle ou mélancolique, parfois irrévérencieux ou même grivois, qui constitue un paysage familier. Le temps de la composition : les manuscrits présentés illustrent le processus d’écriture et les techniques de composition d’une chanson.
Les partitions inédites de Brassens enseignent de quelle façon l’artiste, sans avoir reçu de formation musicale, a appris la musique et la composition en autodidacte. On mesure combien, dans la maturation d’une chanson, texte et musique sont parfaitement indissociables, le rythme du vers conditionnant le choix des notes d’abord composées au piano avant d’être transposées à la guitare.
III - le libertaire
S’il n’a collaboré au journal anarchiste Le libertaire qu’une courte période, entre septembre 1946 et juin 1947, Brassens a conservé toute sa vie une fibre anarchiste dont la philosophie imprègne les chansons. S’il récuse la notion de message, il brocarde allègrement les institutions et clame son anticléricalisme. La subtilité des textes vient cependant contredire une interprétation abusivement simpliste.
L’artiste a, à maintes reprises, milité contre la peine de mort, comme en témoignent plusieurs photos. Son « carnet de bord » de 1963-1981 découvert à l’occasion de l’exposition livre un témoignage exceptionnel sur les événements de l’époque, notamment mai 68.
Brassens aura évoqué en chansons toutes les femmes : la bourgeoise, la fille de rien, la fille de joie, la jeune, la vieille, parfois en termes crus dans la grande tradition de la chanson paillarde...
Dans son mode de vie, le chanteur a refusé tout conformisme social, ne partageant pas le quotidien de sa compagne Püpchen, pour laquelle il écrivit cependant de très beaux textes amoureux : La non demande en mariage, Saturne, J’ai rendez vous avec vous. Son quotidien se divisait entre l’impasse Florimont et le moulin de Crespières acquis en 1958, entouré de son groupe d’amis. Une grande fresque graphique dresse le portrait de ce Brassens intime.
IV – Le spectacle
L’exposition quitte l’intimité de la composition pour les lumières de la scène. On découvre les débuts timides de celui qui n’avait à l’origine pour ambition que d’écrire pour les autres. Plusieurs rencontres sont décisives dans la carrière de Brassens : celles avec le chansonnier Jacques Grello, la chanteuse Patachou, le découvreur de talents de l’époque Jacques Canetti.
Des premiers pas sur scène dans les cabarets en 1952, à la consécration en 1954, le succès de Brassens est fulgurant. L’artiste à la dégaine d’« ours mal léché » devient un familier des grandes salles parisiennes : il se produit au TNP, à l’Olympia (9 concerts), et fait sienne la grande salle de Bobino (13 concerts !). Le sédentaire passait également de longs mois en tournée.
Homme de scène, l’artiste raconte également à lui seul une histoire du disque en France, depuis l’arrivée du microsillon au succès du 33 tours. Philips inaugura une presse uniquement destinée à la production Brassens ! En 1984, il avait vendu plus de 33 millions de disques. Quand on songe que les premiers furent retirés de la vente pour cause de censure !
V – Brassens consacré
En quelques années, Georges Brassens est passé du soufre aux paillettes pour devenir un véritable monument de la chanson française. Il reçoit le grand Prix de la Poésie en 1967, intègre le Larousse mais refuse d’entrer à l’Académie française ! Il devient le père spirituel d’une nouvelle génération d’artistes qu’il soutient, notamment grâce à ses premières parties.
Au remariage de Jeanne en 1966, il finit par quitter l’impasse pour vivre dans un pavillon bourgeois du quinzième arrondissement. Brassens ne cesse d’écrire et de composer jusqu’à sa disparition en octobre 1981. Disparition qu’il organise méthodiquement en prenant soin de laisser ses dernières chansons dans un carnet présenté dans l’exposition à côté de sa dernière guitare.
VI – Brassens multiple
L’espace du bas offre différents éclairages sur la postérité de Brassens, une façon de découvrir un « Brassens multiple » que chacun a pu, et peut à nouveau, se réapproprier. On découvre que ce sédentaire, ce héraut de la liberté et de l’individu, a franchi les frontières et séduit un public immense où se retrouvent toutes les générations.
Sait-on que Brassens a été une star en Italie – et en italien – grâce à son interprète Fabrizio De André qui a permis, dans les années 70, de le faire entrer au Panthéon des
chansons populaires italiennes ? Peut-on imaginer Brassens dansé dans les faubourgs de Douala sur des rythmes africains ? Ses chansons, autrefois interdites en France, sont désormais enseignées à l’école en Afrique et en Italie où il est un ambassadeur phare de la culture française, lui qui détestait les institutions et les voyages !
Autre versant de cette postérité, la façon dont l’homme discret s’est trouvé reproduit sur de nombreux gadgets, verres, dessous de table et autres objets. Une vitrine montre avec humour de quelle façon l’artiste est aussi entré dans les foyers !La reproduction des manuscrits de Brassens et les guides d’écoutes permettront aux visiteurs d’approfondir leur découverte de l’artiste à travers la richesse de ses textes et de ses musiques, pendant que leurs enfants pourront dessiner, imiter Brassens, ou apprendre de nouveaux gros mots.
« Brassens ou la liberté », du 15 mars au 21 août 2011 à la Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès, à Paris.
Source : Communiqué de la Cité de la musique