PureBreak : Tu es actuellement sur scène mais tu as commencé à te faire connaître sur Youtube, où tu as écrit pour de nombreuses chaînes comme le Golden Moustache.
Akim Omiri : C'est un peu mon défaut, d'écrire constamment pour les autres et pas pour moi. J'ai commencé en écrivant pour Norman, puis je suis rentré chez Golden Moustache. J'ai écrit pour Cyprien, pour Natoo, pour Le Rire Jaune (avec son émission Le Show Jaune pendant un bout de temps), pour Andy, Jimmy fait le con. Si au début, c'était régulier pour Norman (je lui ai même écrit une vidéo en entier), aujourd'hui, c'est ponctuel. A un moment, je me suis dit qu'il fallait peut-être que je montre un peu ma tête parce que personne ne sait que je suis marrant.
Tu étais dans l'ombre, en quelque sorte...
Ouais, totalement. Personne ne savait que j'écrivais des vidéos. Dans le milieu, ça se sait, mais le public ne le sait pas. Les gens ne regardent pas vraiment le crédit des vidéos, ils s'en fichent. Faire des vidéos, c'était dans le but de montrer mes délires sans montrer des extraits de sketchs sur scène. Je trouve ça dommage de voir de la scène en vidéo. Pour moi, ça doit se voir dans la salle. C'est comme ça que j'ai commencé à faire des vidéos sur ma chaîne.
Comment gères-tu à la fois le théâtre et Youtube ?
Je fais de moins en moins de vidéos pour les autres. J'essaie, cette année, de me recentrer sur moi et d'arrêter de filer mes idées tout le temps. J'ai sorti 3-4 vidéos sur ma chaîne Youtube qui ont vraiment plu donc ça m'incite vraiment à continuer. C'est encourageant. J'arrive à gérer les 2, même si c'est compliqué d'écrire au même rythme pour la scène et les vidéos. Ce n'est pas du tout la même manière d'écrire.
Justement, qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qui est le plus dur ?
C'est beaucoup plus dur d'écrire pour de la scène que pour des vidéos. Sur scène, la rythmique est beaucoup plus exigeante. En vidéo, on peut se permettre un peu plus de libertés, on peut parler de sujets moins drôles. Tant que la chute est drôle, c'est pas grave. La scène, c'est comme le Banco. Quand tu fais une blague, tu grattes et t'as gagné ou t'as perdu et tu le sais tout de suite.
Que préfères-tu ?
Je préfères la scène parce que j'ai une relation directe avec les gens, je peux discuter avec eux une fois le spectacle fini. Une vidéo, tu lis des commentaires, c'est vachement impersonnel. Y'en a qui sont anonymes donc qui écrivent n'importe quoi, des choses qu'ils ne te diraient absolument pas s'ils étaient en face de toi.
Tu reçois beaucoup de critiques ?
Franchement, je ne suis pas trop à plaindre. Je ne fais pas des vidéos souvent, mais quand j'en fais, en général elles sont très bien accueillies. Je n'ai pas vraiment de commentaires haineux ou hyper négatifs. Quand j'ai commencé sur Golden Moustache, c'était plus compliqué, notamment quand Suricate était la tête d'affiche. Quand c'était une vidéo qui n'était pas d'eux, on n'était pas forcément bien accueillis, les gens ne voulaient que Suricate et pas autre chose.
Tu as prévu de bosser à nouveau avec le Golden Moustache ?
Non, c'est totalement fini. Je faisais peu de vidéos par an pour eux, et je trouvais ça assez frustrant. J'avais envie de pouvoir en faire plus souvent, comme je le voulais, pouvoir tout gérer du début à la fin. J'avais des avantages, j'avais des monteurs pour m'aider mais on me mettait des contraintes. Je me sentais dépossédé de ma création. Alors que je gère tout sur ma chaîne, ça me ressemble totalement.
Lors de ton spectacle, tu improvises et interagis avec les gens. As-tu une anecdote à nous raconter ?
Ça m'est arrivé de jouer dans des cafés-théâtre ou des caves, et ça arrive régulièrement que les mecs qui sont dans la salle ne respectent pas du tout ce que t'es en train de faire. Certains s'en foutent totalement, d'autres sont bourrés. Une fois, alors que je jouais au Paname (ndlr : Art Café), un Centre de personnes handicapées mentales est venu me voir. Sauf que les éducateurs qui les entouraient sont restés au bar et ont laissé les handicapés dans la salle, comme si j'étais une garderie. J'essayais de faire mon stand-up et certains levaient la main pour me demander de parler des pompiers. Ils pensaient vraiment que c'était une discussion. Les gens étaient bienveillants autour mais c'était super compliqué parce que t'as vite fait de faire un faux pas. Ce sont des personnes qui peuvent se vexer ou devenir tristes très rapidement donc il faut faire très attention aux mots employés.
Tu parles de sujets sérieux comme le harcèlement de rue, le racisme ou encore la tumeur au poumon que tu as eu à 14 ans : comment arrives-tu à en parler avec humour : c'est quoi ton secret ?
Déjà, je pense que les gens sentent que je suis concerné par les sujets que j'aborde. Je ne prends pas des sujets au hasard pour faire des vannes dessus, j'ai envie de faire passer un message à chaque fois. C'est important pour moi que le rire ait un sens. On va dédramatiser quelque chose de grave, mais on fait prendre conscience de certaines choses. Je veux faire réaliser aux gens que, même les pires souvenirs deviennent de bons souvenirs avec le temps, mais c'est une question de mentalité.
T'imposes-tu des limites, des sujets à éviter ?
Personnellement, je ne vais pas me mettre de limites. Par contre, je vais me demander si je suis le mieux placé pour en placer et, sinon, comment en parler de la manière la plus légitime possible et que mon idée soit claire. Quand je parle de féminisme, j'en parle via le prisme de ce que j'ai vécu. Je trouve ça dommage d'entendre 'faut être noir pour parler de sujets de noirs, faut être arabe pour parler de sujets d'arabes', non. J'ai envie de parler de sujets de société dans laquelle je suis, ça me touche aussi.
D'ailleurs, tu parles des femmes qui se font agresser ou encore du fait que certains producteurs font du chantage sexuel pour produire certains talents : as-tu hésité à garder cette vanne en plein scandale Weinstein ?
J'ai pas du tout hésité. Certains sont opportunistes mais moi, j'ai ce thème depuis longtemps. On m'a même dit que je devrais le mettre sur internet sauf que je n'avais pas envie d'être opportuniste sur un sujet qui était grave. Après, à aucun moment je me suis dit que j'allais retirer ce thème. Maintenant, j'ai envie de le pousser un peu plus loin, de le faire évoluer, parce que, justement, les gens commencent à en parler et je n'aurai plus cette primeur que j'avais avant. Mon spectacle évolue en même temps.
Tu racontes aussi tes galères avec les filles (pendant 5 ans) : où ça en est aujourd'hui ?
Ça y est, j'ai une copine depuis quelques mois, et ça se passe super bien ! Et ce n'est pas une Mexicaine (rires)...
Les youtubeurs et humoristes sont de plus en plus au cinéma. Toi-même, tu as joué dans RAID dingue avec Dany Boon. As-tu pour ambition de percer au cinéma ? Aimerais-tu écrire ton propre film ?
Ce n'est pas un objectif, mais c'est des envies. Je réfléchis par projet : j'aimerais faire un film, une série, mais le média sur lequel ça sera diffusé n'est pas très important. J'ai écrit une série, on est en train de voir pour qu'elle soit en télé, mais mon envie, c'est que ce soit sur internet. Je trouve ça important que les gens puissent y avoir accès quand ils veulent et gratuitement sur Youtube. Si tu fais un DVD, il faut vraiment qu'il y ait des bonus, une vraie plus-value. Je ne cours pas après la tune.
Peux-tu nous en dire plus sur ta série ?
C'est une sitcom vraiment drôle. C'est peut-être le truc le plus drôle que j'ai écrit, avec deux potes, Casa et Jonathan O'Donnell. Il y a quelques guests dedans, après ça n'est pas encore fait donc je ne préfère pas trop en dire. Mais si ça se fait, ce sera sûrement un des trucs les plus marquants que j'aurais fait.
Propos recueillis par Marion Poulle. Contenu exclusif. Ne pas mentionner sans citer Purebreak.com.