Drôle de carrière que celle des Fugees. Le groupe a connu la gloire absolu en 1996 avec son album "The Score", sur lequel s'entremêlait rap, reggae et soul. Malheureusement, ce sera également le seul disque du trio. Et si Wyclef Jean a mené une carrière des plus honorables, les deux autres ont connu une toute autre fortune. La chanteuse Lauryn Hill lâche un véritable chef d'oeuvre avec "The Miseducation of Lauryn Hill", mais ce sera là aussi son seul vrai projet solo - avec un MTV Unplugged. La descente aux enfers s'accélère et sa réputation de diva, connue pour arriver avec plusieurs heures de retard à chacune de ses dates quand elle ne les annule pas, ne fait que de se renforcer. De plus, elle va connaître des déboires avec la justice. La chanteuse est condamnée pour fraude fiscale en mai 2013 et les quelques morceaux bien fades dévoilés très épisodiquement servent à éponger ses dettes. Depuis, elle a peu à peu disparu de la circulation.
Mais son histoire demeure préférable à celle du troisième membre du groupe, Pras Michel, qui se retrouve aujourd'hui dans une sacrée sauce. Le rappeur avait pourtant signé des débuts solo particulièrement prometteurs avec l'album "Ghetto Supastar" en 1998. Après un second effort en 2005, "Win Lose or Draw", Prakazrel Samuel Michel de son vrai nom s'éloigne de la musique et emprunte des chemins douteux. C'est le point de départ de cette histoire totalement insane.
Au début des années 2010, Pras se rapproche d'un milliardaire malaisien répondant au nom de Low Taek Jho. À tel point que ce dernier lui fait parvenir une somme avoisinant... les 100 millions de dollars. À priori, ils s'entendaient plutôt bien, donc. Cet argent, le rappeur américano-haïtien l'investit en partie dans la campagne présidentielle de Barack Obama, en 2012, via des sociétés offshore. Seulement, Low Taek Jho n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeler un sain puisque sa fortune provient d'une fraude massive d'un fonds souverain malaisien et il serait le cerveau de l'histoire. Ce qui nous donne donc un criminel international qui passait le plus gros de son temps à acheter des villas dignes de l'émission L'Agence dans lesquelles il organisait des fêtes hors de prix avec des stars. Il a d'ailleurs financé en partie le film "Le Loup de Wall Street" de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio - film qui retraçait l'histoire d'un escroc notoire blanchisseur d'argent, tiens donc.
Mais une fois Donald Trump élu en 2017, Pras ne lâche pas l'affaire. Il "fait pression" auprès du gouvernement américain - en gros il lâche des pots-de-vin à droite à gauche avec l'argent sale de son copain malaisien - pour que les charges visant Low Taek Jho sur le sol américain soient abandonnées. Comme si cela ne suffisait pas, il fait du lobbying au profit de la Chine en demandant le rapatriement d'un dissident chinois. Et quand le milliardaire malaisien est condamné en 2018 pour corruption et blanchiment d'argent et donc recherché par les autorités internationales, celui-ci se casse... en Chine (parce qu'il était pote avec les Chinois depuis le début). C'est alors que Pras affirme qu'il collaborait en fait avec les États-Unis depuis le début et qu'il était un infiltré pour le FBI afin de sortir trois Américains enfermés en Chine pour espionnage. Bref, un bon gros bordel dans lequel l'artiste a joué une sorte de rôle d'agent double chelou qui retourne sa veste aussi rapidement qu'il a arrêté sa carrière de rappeur.
Comme par hasard, cette histoire ne se finit pas très bien pour lui. Maintenant qu'il s'est fait gauler, il est accusé entre autres de blanchiment d'argent, corruption, conspiration et trafic d'influence pour un gouvernement étranger par les USA (22 chefs d'accusation au total, belle perf). Et spoiler alert, il vient d'être reconnu coupable mercredi 26 avril et risque jusqu'à 20 ans derrière les barreaux. Peut-être que ce sera là l'occasion pour lui de se remettre à une activité qu'il n'aurait probablement jamais du stopper : la musique.