C'était il y a déjà une semaine, jour pour jour, mais la scène reste gravée dans toutes les mémoires. Le jeune Nahel, 17 ans, au volant d'une voiture, se faisait contrôler par des policiers. C'est alors que l'un des agents lui a asséné un tir par arme à feu, à bout portant qui plus est, qui s'est révélé être mortel. Les deux gardiens de la paix ont rapidement donné leur version des faits, mais la scène ayant été filmée, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux est venue démentir leurs propos. Depuis, le policier en question a été mis en examen et placé en détention provisoire.
Ce terrible drame a engendré de nombreux hommages sur les réseaux sociaux, notamment de la part de personnalités françaises connues dans le monde entier. Le rap français s'est également massivement mobilisé pour rendre hommage à la victime et soutenir publiquement sa famille. Plusieurs rappeurs américains en ont fait de même en saluant la mémoire de Nahel. Il faut dire que la violence policière et l'oppression des minorités font partie de l'ADN et de l'histoire de ce courant musical, longtemps marginalisé à sa création mais qui a fini par devenir le genre le plus écouté à travers le monde. La lutte contre les bavures policières est donc inhérente à cette musique, chose que de nombreux auditeurs semblent avoir oublié. Mais pas tous.
C'est donc fort logiquement que de nombreuses oeuvres issues de cette culture abordent ces thématiques. Parmi elles, quelques titres sortent du lot et les auditeurs se sont empressés de les écouter à nouveau. On peut notamment penser au titre Prêt à partir de SCH, en featuring avec Ninho. Et plus précisément cette punchline du second devenue virale sur les réseaux sociaux après ce qui, selon les premiers éléments, s'apparente à une bavure policière : "Ils veulent pas que ça brûle comme en 2005, pourtant ils font les mêmes erreurs". Une référence évidente à la mort de Zyed et Bouna et aux violences qui avaient suivi. Ce morceau est extrait du grandiose album "JVLIVS" du rappeur marseillais, qui fait partie des candidats légitimes au titre de classique du rap français.
Ninho, qui vient de s'offrir un featuring onéreux avec Lil Baby, s'est d'ailleurs exprimé à ce propos au cours d'une interview accordée à France Inter : "C'est dramatique, qu'un petit de 17 ans meure comme ça, et les mêmes histoires se répètent depuis 2005. On est en 2023 ! On n'aimerait pas qu'en 2042 ça aille plus loin, c'est pas bon. C'est mon rôle de prendre parti, de parler... Parce que ça touche tout le monde. Il y a deux côtés, et on aimerait bien que ces deux côtés soient rééquilibrés", a-t-il déclaré.
SCH, lui, fait partie des artistes qui ont pris la parole sur Twitter. "Je vois des tweets hallucinants, c'est à se demander s'il reste encore un peu d'humanité chez certains. Vous pourrez trouver toutes les excuses de la terre pour justifier l'acte, ça ne ramènera pas ce pauvre gosse de 17 ans à ses parents. Tout mon soutien à ses proches et tout mon soutien à nos quartiers", avait-il écrit. Les streams de Prêt à partir ont été multipliées par 3,5 sur Spotify ces derniers jours.
Un autre morceau bénéficie également d'un second souffle, mais celui-ci est beaucoup plus radical. Il s'agit du très explicite Fuck le 17, qui se positionne ouvertement comme un hymne anti-police, tout en étant un énorme banger dont la production est assurée par le génial Myth Syzer, du groupe originaire de Sevran, 13 Block. Le collectif, composé de Zed, Stavo, OldPee et Zefor, enregistre une hausse de presque 500% d'écoutes sur ce tube qui comptait déjà plus de 20 millions de streams sur Spotify.
Des statistiques qui prouvent que, malgré l'explosion commerciale du rap ces dernières années et l'arrivée d'un nouveau public, une frange des auditeurs de rap demeure consciente de l'importance sociale de cette musique au sein de la société française.