Imaginez : un film sort en salles, détruit le box office (1,38 milliard de dollars récoltés), devient un phénomène culturel, une source quotidienne à débats, finit par s'incruster dans les cérémonies type Golden Globes, parvient enfin jusqu'aux Oscars où il hérite de prestigieuses nominations (comme Meilleur film : le Saint Graal) mais... Les deux femmes sans qui ce projet n'aurait jamais existé se retrouvent purement et simplement snobées.
Ca, c'est ce qui arrive à Greta Gerwig, réalisatrice, et Margot Robbie, actrice principale, mises hors-jeu par l'Académie des Oscars cette année. Leur film, le plus rentable de 2023 outre-Atlantique, Barbie bien sûr, pourrait tout à fait se voir sacré Meilleur film de l'an passé, mais elles n'auront aucun prix quoi qu'il en soit ! Puisqu'elles ne sont tout simplement pas nominées. On pourrait voir là un flagrant délit de sexisme. On n'aurait pas tort.
La preuve ? Celui qui, en revanche, jouit d'une prestigieuse Nomination du meilleur acteur, Ryan Gosling, alias Ken, se scandalise de cet état des lieux. Mais comment expliquer ce mépris total ?
Déjà lauréat d'un Critic Choice Award de la meilleure chanson pour I'm just Ken (à sa grande surprise, ce qui avait donné lieu à d'improbables réactions devenues des memes), Ryan Gosling a cette fois-ci décidé d'arrêter de prendre les choses avec dérision. Il a carrément poussé un coup de gueule. On le lit !
"Il n'y a pas de Ken sans Barbie. Il n'y a pas de Barbie sans Greta Gerwig et Margot Robbie. Dire que je suis déçu qu'elles ne soient pas nommées dans leurs catégories respectives serait un euphémisme ! Ce sont les personnes responsables de ce film mondialement célèbre. Leur travail doit être reconnu".
Voilà qui est dit. Et bien dit. Car en plus d'être la star de Barbie, celle sans qui le film n'aurait peut-être jamais existé, Margot Robbie, en est directement la productrice. C'est dire à quel point son nom a énormément compté au moment d'initier le projet. Et cela en dit également beaucoup sur son investissement personnel, et son influence sur le ton militant du film.
Comment interpréter ce mépris évident envers Margot Robbie, alors que le film où elle joue n'est quant à lui pas ignoré par l'Académie, loin de là ? On peut l'envisager comme une réaction virulente face à son propre engagement. Actrice, star, femme d'affaires, Margot Robbie produit depuis des années "ses" propres films, et/ou des oeuvres ouvertement féministes : I, Tonya, Birds of Prey, mais aussi Promising Young Woman...
Des oeuvres qu'elle dirige du haut de sa stature de productrice et qui n'hésitent pas à étriller le patriarcat. Tout comme Barbie d'ailleurs, qui fait carrément du sujet sa colonne vertébrale ! Il est très ironique à ce sujet de voir Ryan Gosling hériter d'une prestigieuse nomination quand Ken est à l'inverse la principale cible du film... Et alors que l'arrogance toute masculine du personnage est largement tournée en ridicule.
En France, on a déjà perçu le même "retour de bâton". Lors du sacre aux César de l'excellent La nuit du 12 l'an dernier. Film ouvertement féministe, puisqu'enquête abordant le sujet des féminicides (lorsque l'on tue une femme car elle est une femme), mais dont seuls les mecs sont ressortis vainqueurs : la réalisateur Dominik Moll, l'acteur Bastien Bouillon, le scénariste Gilles Marchand... Comme s'il y avait encore une énorme hésitation à mettre en lumière les artistes féminines et surtout : féministes.
Celles qui n'ont n'ont pas peur de ce mot : féminisme. Quant à la cinéaste Greta Gerwig, celle qui selon Meryl Streep aurait carrément sauvé le cinéma américain l'an dernier, elle s'est déjà retrouvée snobée par les Oscars il y a quatre ans de cela, concernant son précédent long métrage : Les filles du Dr March, avec Emma Watson. Malgré quelques nominations, l'Académie n'avait pas jugé bon de l'envisager comme une éventuelle "Meilleure réalisatrice", lui refusant simplement cette nomination. Grosse flemme.
De quoi être Team Ryan et dire les termes : il n'y a pas de Barbie sans elles !