En France, la SNCF exploite un peu plus de 27 480 kilomètres de voies ferrées (selon une étude du ministère de la transition écologique datant de 2021) et 15 000 trains circulent chaque jour, transportant 5 millions de personnes. Les lignes servent aussi au transport de marchandises mais certains voient plus loin : et si ces trains servaient à autre chose qu'à déplacer des personnes ou des biens ? Et s'ils nous aidaient à réduire notre empreinte environnementale et à lutter contre le changement climatique ?
Cela peut sembler être une contradiction mais, aux États-Unis, une entreprise est convaincue que la formule serait non seulement efficace pour éliminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère, mais permettrait également de le faire plus efficacement et à moindre coût, comparé à des installations fixes. Après tout - explique cette firme - nous avons déjà tout pour y arriver : un vaste réseau de chemins de fer et de locomotives qui, en plus de se déplacer, génèrent de l'énergie.
Ce que propose la société américaine CO2 Rail, c'est d'utiliser des wagons spécialement conçus, littéralement, pour "chasser" le CO2 lorsqu'ils se déplacent sur les voies ferrées du pays. Sa dynamique est relativement simple et, a priori - d'après ce que l'entreprise explique - efficace : les wagons CO2 Rail sont équipés de grandes grilles à travers lesquelles l'air est filtré au fur et à mesure que le train avance et de genre de "chambres" dans lesquelles, à l'aide d'un processus chimique, le CO2 est séparé. Lorsque cette phase de filtrage est terminée, l'air propre est soufflé à l'arrière d'un cylindre et le dioxyde de carbone est stocké en toute sécurité dans un réservoir.
En tirant parti de la vitesse du train, les wagons CO2 Rail n'ont pas besoin de ventilateurs puissants intégrés pour filtrer l'air. Un autre plus ? Le système profite du fonctionnement du train lui-même lors des manoeuvres de freinage pour son alimentation. Au lieu de permettre à l'énergie générée par le frottement de se dissiper sous forme de chaleur, le prototype l'utilise pour alimenter le système de filtration.
"Il y a actuellement un gros gaspillage. Chaque manoeuvre de freinage complète génère suffisamment d'énergie pour alimenter 20 foyers moyens pendant une journée, il ne s'agit donc pas d'une quantité insignifiante", détaille E. Bachman, fondateur de CO2 Rail. Ceux qui travaillent sur ce système ont déjà calculé qu'un train de marchandises moyen équipé de wagons spéciaux CO2 Rail pourrait éliminer jusqu'à 6 000 tonnes de CO2 par an à un coût moindre, comparé à d'autres solutions déjà mises en place.
"Le coût prévu est inférieur à 50 dollars par tonne, ce qui rend la technologie non seulement commercialement réalisable, mais attrayante", affirme Bachman. Comme le souligne New Atlas, l'objectif de Climeworks, le promoteur de la plus grande usine de capture directe de CO2 au monde, est que le coût par tonne de carbone éliminé atteigne 100 dollars. Dans le cas de l'Australian Southern Green Gas, on estime le montant de la facture à 72 dollars la tonne.
L'utilisation de wagons spéciaux présenterait également d'autres avantages essentiels. Le principal est peut-être qu'elle s'appuie sur une infrastructure déjà existante, le vaste réseau ferroviaire, et économise l'espace dont les centrales fixes ont besoin, tant pour leurs installations que pour les sources d'énergie renouvelables à partir desquelles elles sont alimentées.
Mais que faire du CO2 une fois stocké ? L'idée est de vider le réservoir en profitant des arrêts pour le changement d'équipage ou le ravitaillement. "Toutes les 12 heures, le réservoir de CO2 à bord est vidé dans un wagon-citerne situé dans une gare (...) Cela ne devrait pas être un défi, car les wagons de CO2 sont conçus pour environ 24 heures de fonctionnement continu avant de devoir être déchargés. Et les chauffeurs doivent être remplacés environ toutes les huit heures" a déclaré Bachman à Interesting Engineering.
Cet article a été écrit en collaboration avec nos collègues de Xataka.