Quand une franchise dure dix épisodes ou plus, c'est rarement bon signe. Les interminables sagas Vendredi 13 ou Fast & Furious démontrent qu'arrive toujours un moment où ça coince : lorsqu'une série de films commence à avoir l'âge des spectateurs qui viennent la voir en salles, ça devient chaud.
On pourrait penser la même chose d'un film qui vient de débarquer en salles quasiment 20 ans après sa première itération à l'écran : Saw X. Avec cette oeuvre, près de deux décennies de torture porn nous contemplent : le torture porn, c'est ce sous-genre horrifique qui par le biais de trucages judicieux donne le la aux séquences les plus gore et sadiques. Certains y ont vus l'antithèse du cinéma d'horreur, d'autres son avenir.
Saw en est l'incarnation !
Dans ce dixième opus, on suit Jigsaw, c'est à dire John Kramer, cet architecte brillant dont la vie bascule à l'annonce de son cancer du cerveau. Un jour cependant, des médecins lui promettent de guérir sa maladie. Un miracle. Seulement voilà, c'est finalement ruiné et arnaqué que notre (anti) héros se retrouve au Mexique... Sa vengeance sera terrible.
Première originalité ? L'action de Saw X est censée se passer entre le premier et le second opus. On n'est pas simplement dans le domaine du sequel ou du reboot. Second challenge : elle se concentre exclusivement sur le point de vue (très singulier forcément) et le quotidien de Kramer, autrement dit, l'un des plus grands méchants de l'histoire du cinéma d'horreur.
Du pain béni pour les fans. Et ceux-ci ne seront pas déçus...
Car on te l'avoue de suite sans le moindre teasing : ce dixième opus est clairement l'un des meilleurs de cette saga trash et outrancière.
Et ce pour plein de raisons. On te raconte tout...
On ne s'attendait pas à un retour choc de cette saga.
Cela fait quelques films déjà que la franchise Saw s'enlise sérieusement dans les couches de sang qu'elle déverse inlassablement sous nos yeux. Entre les interminables twists dignes d'un épisode des Feux de l'amour (ces révélations concernant l'héritage de John Kramer) et les films "pas de côté" totalement hors sujet comme le récent Spirale, on commençait à faire le deuil de cette série d'oeuvres érigeant le gore en philosophie de vie.
O joie : Saw X comble nos attentes. Et ressuscite la saga.
Retournements de situation improbables à gogo, gore exacerbé (une certaine séquence, impliquant une difficile opération du cerveau pratiquée sans anesthésie, nous a fait regretter le popcorn), John Kramer plus que jamais mis en vedette, tout est là pour nous satisfaire. Oui oui, on retrouve même le fameux pantin clownesque en tricycle et le thème musical tonitruant cher à James Wan, maître de l'horreur et instigateur de la saga.
Mais surtout, Saw X fait une chose rare au sein d'un univers qui se prend quand même extrêmement au sérieux : ce film s'amuse avec son public et surtout avec les fans. Kramer est ridiculisé par quelques arnaqueurs : lui qui conçoit les pièges d'ordinaire, le voilà qui tombe en plein dedans. C'est l'arroseur arrosé. D'où, pense-t-il, la légitimité de sa vengeance : parler au nom des cancéreux qui ont fini volés par ce gang de "scammeurs".
Or, l'instigatrice de ce grand coup viendra frontalement l'interroger sur sa prétendue éthique. D'un côté, des arnaqueurs dépourvus de toute morale. De l'autre, un psychopathe qui ne jure que par sa soi disant éthique. Bref, c'est un véritable choc des titans du point de vue de l'ambiguïté, qui aboutit à des scènes très ironiques à ce titre. D'autant plus qu'en mettant à ce point en avant Kramer, celui-ci en devient presque héroïque...
Mais les dialogues parviennent toujours à susciter chez nous un mouvement de recul : c'est avant tout le sadisme décomplexé de cet antagoniste devenu protagoniste qui transparaît. Et de ce côté-là, cela faisait longtemps que la saga n'avait pas été aussi généreuse en terme d'inventivité graphique.
Très dégueu, pour le dire sans chichis.
Du petit lait - goût hémoglobine - pour les admirateurs de cette longue épopée grand-guignol qu'est Saw. Et un divertissement diablement efficace. On vous déconseille cependant l'abus de bonbecs...