Trois ans après, les répercussions du mouvement Me Too se font toujours sentir dans le monde entier et plus particulièrement en France. Il y a quelques mois, l'actrice Adèle Haenel dévoilait avoir subi des attouchements et avoir été harcelée sexuellement par le réalisateur Christophe Ruggia alors qu'elle avait entre 12 et 15 ans. Une affaire actuellement entre les mains de la justice puisque l'actrice a porté plainte en novembre 2019. Mais le monde du sport n'est malheureusement pas épargné.
Dans son livre Un si long silence, c'est la patineuse Sarah Abitbol qui fait des révélations glaçantes. Cette dernière accuse son ancien entraîneur, Gilles Beyer, de l'avoir violée à plusieurs reprises entre 1990 et 1992 alors qu'elle avait entre 15 et 17 ans. Si les faits sont désormais prescrits, le parquet de Paris a tout de même annoncé l'ouverture d'une enquête pour "viols et agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime". "Les investigations (...) s'attacheront à identifier toutes autres victimes ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature" explique Rémy Heitz, procureur de la République de Paris, dans un communiqué.
Suite à ces révélations, la Commission des athlètes de haut niveau du Comité national olympique et sportif français a publié ce mardi 4 février sur France Info et Le Parisien, une longue tribune pour dénoncer les violences sexuelles dans le monde du sport. "Nous, athlètes français de haut niveau, nous sentons révoltés. Révoltés mais malheureusement pas si étonnés que cela..." peut-on lire dès le début de cette lettre dans laquelle les 54 signataires dont le champion de judo Teddy Riner, l'ancienne patineuse Nathalie Péchalat, le champion et ex-candidat de Danse avec les Stars Ladji Doucouré ou encore l'ex-joueuse de tennis Tatiana Golovin remercient les victimes d'être sorties du silence. "Ils n'abîment pas l'image du sport, ils la font grandir" expliquent-ils.
"Si nous prenons la plume aujourd'hui, c'est que nous nous sentons responsables (...) Si, pour la majorité, le sport a été une formidable école de la vie avec des valeurs de partage, d'entraide, de soutien, de respect, pour d'autres, il y a surtout la souffrance et le silence. Nous nous sentons aussi responsables car il nous est tous arrivé d'avoir des doutes, des suspicions, des bribes d'informations..." écrivent les signataires qui ajoutent : "Nous ne pouvons plus nous taire ! Il est temps d'agir collectivement et de prendre conscience que briser le silence, c'est aussi servir le sport."
"Nous souhaitons ainsi dire NON aux dirigeants, il ne s'agit pas d'étouffer des faits pour protéger une organisation, pour préserver l'image d'un club ou d'une fédération. NON aux entraîneurs, il ne s'agit pas de détourner le regard pour protéger vos collègues ou préserver votre emploi. NON aux institutions, il ne s'agit pas d'éviter la surenchère médiatique pour ne pas écorner l'image du sport. NON aux parents, il ne s'agit pas d'oublier pour continuer comme avant, pour que votre enfant accomplisse ce que vous projetez pour lui. Ces arguments, ces logiques, érigent les murs qui protègent les agresseurs. Il faut parler, le dire encore et encore." peut-on également lire.
En plus de dénoncer ces violences et d'apporter leur soutien aux victimes, les 54 signataires proposent plusieurs solutions afin de lutter contre ces actes pour que "les choses changent". Parmi les mesures que souhaite prendre la Commission, on retrouve la mise en place d'une "cellule d'écoute des victimes" qui serait totalement indépendante des fédérations et "tenue de respecter l'anonymat le plus complet". "Une cellule en capacité de saisir le ministère des Sports pour permettre le lancement d'enquêtes administratives et la saisine du procureur de la République." détaille la tribune. Mais ce n'est pas tout.
La Commission souhaite également le contrôle des casiers et antécédents judiciaires de toute personne en contact avec de jeunes athlètes (entraîneurs mais aussi bénévoles et dirigeants de clubs) mais aussi "l'interdiction à vie d'exercer tout métier au contact de la jeunesse, quel que soit le domaine, pour tous les agresseurs et les prédateurs sexuels avérés". De plus, la tribune propose "l'adoption de mesures législatives permettant la révocation de tout individu, quel que soit son statut, impliqué dans une affaire de violences sexuelles.". Pour conclure, les sportifs réclament "la mise en place d'actions de formation, de sensibilisation et de prévention pour éduquer les enfants, adolescents, entraîneurs et managers dans toutes les structures sportives." "Ne laissons pas le mur du silence se reconstruire !" concluent-ils.
Espérons que ces propositions seront étudiées très prochainement par la Ministre des Sports, Roxana Maracineanu. Cette dernière a demandé à Didier Gailhaguet, président de la Fédération des sports de glace, de démissionner suite aux révélations de Sarah Abitbol, chose que les membres du bureau de la Fédération ont refusé ce mardi. Selon L'Equipe , quatre membres (soit le quart) du bureau exécutif de la Fédération française des sports de glace auraient démission ce mardi soir suite à réunion extraordinaire. Didier Gailhaguet devrait donner une conférence de presse ce mercredi.