On ne s'improvise pas "femme la plus détestée au monde". Cela exige une poigne de fer, une discipline quasiment militaire, des actes concrets propices à soulever un peuple et indigner l'opinion publique. Bingo : c'est précisément ce qu'est parvenue à faire l'une des figures politiques les plus redoutées du 20ème siècle.
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Cette femme de pouvoir, c'est Margaret Thatcher, Première ministre du Royaume Uni de 1979 à 1990. 11 années de terreur notamment marquées par une répression dramatique des mobilisations ouvrières. Un règne qui a engendré un véritable sport national outre-atlantique : haïr Thatcher, surnommée "la Dame de fer", et la philosophie (conservatrice et libérale) qu'elle a popularisé, le "thatchérisme".
Les raisons sont nombreuses, la personne est complexe. C'est ce que démontre un captivant documentaire narré par l'humoriste Guillaume Meurice, à découvrir sur Arte ce 13 juin à 20h55 : Margaret Thatcher, l'inoxydable. Et à rattraper pour les retardataires sur le site de la chaîne aux mille et un docus.
Cette star de la hate, le chanteur hexagonal Renaud en parlait très bien dans sa chanson, et hit, intitulée à juste titre Miss Maggie : "Même à la dernière des connes je veux dédier ces quelques vers / Issus de mon dégoût des hommes et de leur morale guerrière / Car aucune femme sur la planète ne sera jamais plus con que son frère / Ni plus fière ni plus malhonnête... A part peut-être, Madame Thatcher".
Ambiance. Il faut dire que "les années Thatcher" n'ont rien eu de paisibles, entre la grève des mineurs, sévèrement réprimée sur ordre de la Ministre, et les émeutes urbaines, où résonne l'indignation du peuple. La réponse qu'est venue apporter à tout cela cette fille de commerçants, en pleine crise économique et apogée du chômage, fut cinglante : néolibéralisme à tout crin, idéaux capitalistes mortifères, individualisme forcené.
Conservatrice revendiquée depuis trente ans déjà avant qu'elle ne devienne la femme la plus puissante du Royaume-Uni, Thatcher va enchaîner trois mandats et bien plus encore de contestations sociales. La "Dame de fer" ne plie pas, et étouffe autant les grévistes que leurs syndicats. Des décennies plus tard, ses survivants s'en souviennent encore. Margaret Thatcher, l'inoxydable nous invite à sonder la chose à travers ses prises de parole et son parcours riche de sens, sa jeunesse, de nombreux et précieux documents d'archive...
Son héritage le plus indiscutable, affirme ce captivant tour d'horizon ? Le Brexit bien sûr, ardemment souhaité par une autre figure intensément contestée, l'ex Premier ministre Boris Johnson et sa coiffure en pétard...
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Face à cette unanimité dans la haine, on peut se dire que "Maggy" dépasse le réel : elle a la réputation des grandes méchantes de fictions. On ne croit pas si bien penser. Car Thatcher a inspiré bien des femmes imaginaires. Par exemple ? La glaçante Dolores Ombrage, cynique et sadique sous-secrétaire d'État auprès du ministre de la Magie, dans Harry Potter et l'Ordre du Phénix. Autrice britannique, JK Rowling a imaginé cette bureaucrate pinçante et despotique comme un décalque de celle qui fut trembler l'Angleterre.
Autre figure imaginaire qui lui est indissociable ? La sorcière. A la mort de "Maggy" en 2013, le peuple britannique scande joyeusement "The Witch Is Dead" (un titre qui se retrouvera érigé dans le hit parade !) : c'est à dire, "la sorcière est morte". Pour les citoyens, Thatcher était le pendant trop réel de la grande méchante du Magicien d'Oz, cette ensorceleuse diabolique qui a traumatisé une génération entière de gamins.
Pour comprendre un peu plus toutes les raisons de la colère, se plonger dans cette véritable leçon d'histoire que propose Arte est très, très recommandé.