Et si un jour, tout le monde souhaitait vous tuer ? Comme ça, sans raison ? De manière aléatoire ? Même vos amis les plus proches ?
On dirait le pitch d'un roman de Stephen King, raté : il s'agit du "high concept" - comme disent les américains - d'un film qui fait sensation en ce moment : Vincent doit mourir. C'est à la fois un thriller, un film d'horreur très gore (âmes sensibles s'abstenir), une romance, une dystopie, un road movie, et... C'est français, monsieur.
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Leadé par l'une des stars de Bac Nord - Karim Leklou, étoile de Goutte d'or, l'un des meilleurs films de l'année - ce premier long-métrage a rencontré un petit buzz au sein des cinémas d'art et d'essai et du cercle cinéphile sur les réseaux sociaux. Des réactions exacerbées aussi : on aime ou on déteste.
Justement : à Purebreak, on aime, ou on déteste ?
Vincent doit mourir doit beaucoup à son pitch... Mais pas que.
Ce qui saute aux yeux à la vision de ce premier film, c'est son côté hybride. Oui, tout le monde veut tuer Vincent (Karim Leklou), suivant un procédé que l'on ne te dévoile pas ici, et cela donne lieu durant près de deux heures aux corps à corps les plus... Musclés. Autrement dit : extrêmes, brutaux, sanguinolents, barbares à souhait. On n'en dit pas plus.
Mais l'oeuvre, elle, n'a rien d'aussi basique. Relecture lointaine du film de zombies (comme le démontre la fameuse scène du Super U : beaucoup plus haletante que le suppose cet intitulé), parabole étrange et cryptique sur la banalisation de la violence dans notre société, thriller parano où les émotions s'exacerbent, Vincent doit mourir est une oeuvre qui conjugue mille genres et tonalités quitte à risquer de s'égarer en chemin.
Et c'est un peu le cas : si les acteurs brillent de mille feux (la trop rare Vimala Pons en serveuse de bar pour rednecks) on n'en dira pas forcément autant d'un scénario encombré d'idées pas forcément abouties. Si l'effet de surprise est toujours là, et très efficace, on a l'impression que les séquences chocs masquent une confusion dans l'écriture. L'absence d'un discours précis et clair quant à ce que tout ce récit chaotique signifie au juste.
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À éviter alors ? Pas du tout. Car Vincent doit mourir étonne par la frontalité de la violence qu'il met en scène, redoutable et complètement disproportionnée. Mais aussi, par ses références cinéphiles : l'oeuvre tutoie le cinéma de John Carpenter, le maître de l'horreur, auquel il sera souvent rendu hommage au fil des bobines, l'espace notamment de la "scène du SDF" qui vient ouvertement faire un clin d'oeil à sa comédie noire, L'antre de la folie.
Une comédie noire, c'est précisément ce qu'est Vincent doit mourir, jamais meilleur que lorsqu'il assume son humour cruel, sa dimension satirique qui passe au crible quantité de choses : l'ultramoderne solitude (exacerbée par les réseaux sociaux), les violences au taf, la manière dont sont considérées les victimes dans notre système. C'est bizarrement là l'aspect le plus impitoyable de ce film qui ne ménage pas (du tout) son public.
À voir !