Qui sont les Incels au juste ? Ces autoproclamés "célibataires involontaires" (c'est la contraction à l'origine du mot) constituent un mouvement d'hommes déversant généralement leur colère envers les femmes, responsables à les écouter de leur frustration sexuelle car elles n'ont pas voulu d'eux. C'est une forme de masculinisme : de haine des femmes. A ce titre, on parlera aussi de "manosphère".
Or, bien des Incels, et des misogynes du web en général, semblent vouer un culte certain à quelques films. Parmi eux, Fight Club de David Fincher. Pur film de mecs cohabitant ensemble et vouant à la société une vision pour le moins nihiliste. Un récit où les hommes vivent entre eux, les femmes n'étant guère incluses, et participent à une sorte de spectacle destructeur de la virilité. Surtout, tous ces personnages éprouvent une forte frustration, de celle que l'on retrouve dans certaines commus "mascus" d'aujourd'hui.
Oeuvre noire à l'ironie dévastatrice... Mais véritable modèle de vie pour certains, notamment grâce à ses deux protagonistes, le Narrateur, célibataire désabusé interprété par Edward Norton, et Tyler Durden bien sûr, gourou charismatique incarné par Brad Pitt. Icône qui n'a peut-être pas inspiré que des gens bienveillants... Et David Fincher a justement été confronté à cette frange de son public. Le Guardian l'a interrogé à ce sujet.
Et le cinéaste s'est défendu... De manière plus ou moins convaincante.
Fight Club séduit les misogynes qui sévissent sur le web. Mais également, développe le Guardian dans l'article, des influenceurs masculinistes comme le notoire Andrew Tate (mis en examen pour viols et trafic d'êtres humains) et même des suprématistes blancs en tout genre. Voilà. Que penser de cela ?
David Fincher a réagi. Timidement. On le lit : "Je ne suis pas responsable de la façon dont les gens interprètent les choses...", affirme tout d'abord le cinéaste. Avant de développer : "La langue évolue. Les symboles évoluent eux aussi. Les gens voient toujours ce qu'ils ont envie de voir, que ce soit dans Fight Club ou dans le Guernica de Picasso !". On a déjà connu répartie plus humble, c'est vrai. David Fincher, en deux mots. Qui est étonné ?
Le cinéaste l'admet : "Fight Club est effectivement l'une des nombreuses pierres angulaires de leur lexicographie [aux masculinistes, ndlr]". C'est dit. Mais cependant, il est catégorique : "...Il m'est impossible d'imaginer que les gens ne comprennent pas que Tyler Durden a une influence négative sur le monde ! Si les gens ne comprennent pas cela, je ne sais pas comment réagir et je ne sais pas comment les aider".
Mais pour le site Consequence.net, défense du metteur en scène ou non, peu importe, le mal est déjà fait depuis des années : "De Patrick Bateman, le héros de American Psycho, à Tyler Durden, les Incels et autres misogynes ont tendance à idolâtrer les personnages fictifs censés être édifiants. Et David Fincher a rapidement évité d'assumer toute responsabilité personnelle dans la montée de la culture incel".
Un auteur est-il forcément responsable de l'héritage poisseux de son oeuvre ? Un long débat qui rappelle un accueil plus récent, celui du film Joker de Todd Philips. Autre réal' qui s'est largement "dé-responsabilisé"...