Il y a des films qui passent le cap des années par la seule présence d'un acteur, ou d'une actrice. Tant et si bien que la star en question elle-même semble écrire un nouveau chapitre de sa vie. Difficile de ne pas inclure dans le lot cette satire délicatement ravageuse du monde de la mode qu'est... Le diable s'habille en Prada.
Et en son coeur donc, l'irrésistible Meryl Streep. Dans la peau de Miranda Priestly, la patronne qui fera vivre l'enfer à la pauvre Andrea (Anne Hathaway), l'actrice s'est plu à imiter Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue et directrice artistique de Condé Nast, tout en s'inspirant d'un personnage de cinéma : Gordon Gecko, le roi de la Bourse ultra-capitaliste et cynique interprété par Michael Douglas dans Wall Street.
Cheveux blancs, lunettes noires au nez et phrases assassines, l'actrice de Sur la route de Madison est partie de ce postulat finalement pas loin d'être féministe : si un mec a complètement le droit d'incarner un parfait salaud à l'écran, pourquoi n'en serait-il pas de même pour une femme ? Logique.
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Mais si cet exercice a réjoui le public, il n'a pas forcément fait du bien à l'actrice...
Car Meryl Streep n'est jamais vraiment revenue de Miranda. C'est l'une de ses collègues à l'écran, Emily Blunt, qui tenait alors en 2007 l'un de ses premiers grands rôles (elle apparaît en tant qu'assistante), qui l'a confié au magazine Variety : "Meryl Streep est incroyable et légèrement terrifiante dans ce film. Elle a dit que c'était l'une des premières fois qu'elle essayait de suivre la méthode de l'Actors Studio [popularisée par des stars comme Al Pacino et Robert DeNiro, ndlr]".
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"Mais en vérité, ça la rendait si malheureuse de jouer Miranda...", confesse la star. Une tristesse qui ne se voit pas vraiment à l'écran, dans ce jeu de massacre qu'est Le diable s'habille en Prada. Et pourtant, c'est bel et bien réel. Ce n'est pas seulement Emily Blunt qui le dit. Meryl Streep en personne l'avoue volontiers. Elle témoigne auprès du magazine Entertainment Weekly : "C'était horrible. J'étais vraiment déprimée".
"En fait, je me suis complètement abandonnée au personnage et j'ai intégré toutes ses émotions. Du coup, je me sentais mal, isolée dans ma caravane, alors que j'entendais le reste de la distribution s'amuser et rire. Je me disais : Eh bien, c'est le prix à payer pour être la patronne' !", développe Meryl Streep.
Normal : la "méthode" de l'Actor's Studio consiste à ne faire qu'un avec le personnage. Se documenter sur lui, s'efforcer à éprouver ses sentiments, penser et vivre comme lui. Ou, comme a pu le faire le regretté Heath Ledger sur le tournage de The Dark Knight, où il incarnait le Joker, dédier un carnet entier à son alias fictif. Une implication totale qui peut faire très mal. Surtout quand on incarne une boss détestée de tous.
"Ce fut la toute dernière fois que je tentais la 'méthode' car il m'a fallu du temps pour lâcher Miranda et c'était une période très stressante", achève logiquement l'actrice. On la comprend.