Que s'est-il passé le 27 juin 2023 à Nanterre pour que Nahel, 17 ans, perde la vie lors d'un contrôle routier, tué à bout portant dans son véhicule par un policier ? C'est ce qu'ont tenté de savoir les enquêteurs de "la police des polices" dans les locaux de l'IGPN (l'Inspection générale de la police nationale) à l'occasion d'une garde à vue de Florian M., le brigadier auteur du coup de feu.
Une face-à-face qui a été organisé quelques heures seulement après le drame et dont Le Parisien est aujourd'hui en mesure d'en dévoiler quelques éléments. Selon le journal qui s'est ainsi procuré un compte rendu des déclarations du policier, aujourd'hui mis en examen pour "homicide volontaire", ce dernier aurait tout d'abord assuré qu'il en était à "son neuvième jour de travail consécutif", sous-entendant qu'il n'aurait donc pas eu toute la lucidité nécessaire pour gérer une telle situation ce jour-là.
Par la suite, Florian M. aurait chargé le comportement de Nahel qui, au volant de sa Mercedes, aurait circulé "dans la voie de bus" en faisant vrombir le moteur. Alertés par cette attitude, lui et son collègue auraient donc pris en chasse le véhicule à bord de leurs motos en demandant à plusieurs reprises à l'adolescent de s'arrêter et se stopper. Or, selon le fonctionnaire, Nahel n'aurait rien écouté et serait à l'inverse reparti "à pleine vitesse" (à une allure de "80 ou 100 km/h" a de son côté précisé son collègue lors de sa propre garde à vue), tentant même une embardée envers l'un des deux agents.
Finalement, c'est grâce à un embouteillage que les deux policiers auraient réussi à rattraper la voiture, avant de courir à son niveau. Là, Florian M. aurait assuré s'être posté près du pare-brise avec son arme mise en "position de tir fichant" pour le convaincre de ne plus bouger. Néanmoins, là où les passagers du véhicule ont profité de leurs dépositions pour déclarer que Nahel aurait reçu plusieurs coups avant le tir fatal, le policier aurait révélé s'être en réalité contenté de frapper le pare-brise de la voiture "afin d'attirer l'attention du conducteur".
Puis, après avoir déclaré que son collègue aurait tenté d'éteindre lui-même le contact de la voiture en entrant dans l'habitacle, Florian M aurait affirmé que Nahel ne se serait pas laissé faire et aurait "fait avancer et reculer le véhicule". Le problème ? Comme le rappelle Le Parisien, cette situation n'est pas "corroborée par la vidéo" filmée par un témoin. Plus surprenant, son collègue aurait confié que "Nahel avait bien, après 10 à 15 secondes, coupé le contact du véhicule".
Qu'importe, c'est cette attitude supposée de Nahel qui aurait convaincu Florian M. de tirer. Se sentant "coincé entre le véhicule Mercedes et un muret situé dans son dos", il aurait eu peur de se faire écraser, mais également de voir son collègue être embarqué en cas de fuite en avant, le pensant toujours dans l'habitable : "[Nahel] aurait pu me faire tomber entre le trottoir et la chaussée ou embarquer mon collègue".
Enfin, bien que les premières analyses réalisées par l'IGPN tendent à confirmer que l'horrible phrase "tu vas prendre une balle dans la tête" a bien été prononcée au cours de l'intervention, Florian M. aurait assuré ne pas en être l'auteur. Celle-ci aurait potentiellement été dite par son collègue à ses côtés, une hypothèse qui devra être confirmée par l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie.
On le rappelle, Le Parisien parle ici de la première garde à vue de Florian M. réalisée quelques heures seulement après le drame. Autrement dit, il n'est pas impossible que cette version ait évolué depuis. Après tout, Florian M. et son collègue sont déjà soupçonnés d'avoir menti une première fois pour s'exonérer de toutes responsabilités.
Là où la vidéo filmée par un témoin a permis de prouver que les deux policiers étaient placés sur le côté de la voiture au moment du tir, la fiche de police "Pégase" liée à cette intervention, censée en retracer la chronologie sur la foi des déclarations des policiers intervenants, indiquait pourtant autre chose. Selon les informations du journal, ce rapport initial aurait précisé ceci : "Individu blessé par balle à la poitrine gauche. Le fonctionnaire de police s'est mis à l'avant pour le stopper. Le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire."
Une version qui ne colle pas aux images et qui provoque aujourd'hui la colère de tous les proches de Nahel, persuadés que Florian M. n'a donc pas agit par légitime défense. A cet effet, la famille de l'adolescent a déjà déposé plainte contre X pour "faux en écriture publique".