Purebreak : Avec "Règlement de comptes", tu signes un album très nerveux, parfois hardcore et sombre avec grosses productions. Tu avais besoin de réaffirmer ta place en solo dans le rap français ?
Alonzo : Le titre "Règlement de comptes", c'est d'abord parce que j'avais des choses à me prouver à moi-même, et à personne d'autre. Mes précédents disques n'ont pas connu un succès commercial mais un très beau succès d'estime. Alors le nom de cet album, c'est d'abord une auto-motivation. Après, est-ce que j'avais besoin moi de me réaffirmer ? Je ne pense pas, parce que le poste que j'occupe au sein de mon groupe les Psy 4 de la Rime, c'est le poste que j'occupe tout le long de cet album. J'ai fait un disque où je me suis énormément amusé, où il y a des morceaux dansants, d'autres sombres. C'est un album dynamique, parfois hardcore on ne va pas se le cacher, mais avec aussi beaucoup d'émotion.
Dans le morceau 'Tu vas parler' tu évoques notamment les critiques, les haters. C'est un règlement de comptes avec toi même, mais aussi avec les autres, non ?
Avec les détracteurs, bien sûr ! Et surtout avec ceux qui pensent que être un artiste, c'est s'enfermer dans une bulle sans pour autant savoir ce qu'il se dit à l'extérieur. Quand je rappe "Kassim a fait ci, Kassim a fait ça", c'est parce que je sais très bien que les gens parlent. Donc cette chanson est forcément un règlement de comptes avec eux. Sur les réseaux sociaux, il y en a beaucoup qui se prennent pour des directeurs artistiques, pour des réalisateurs d'album... J'ai pas besoin de leurs conseils, ça fait longtemps que je fais de la musique, tout va bien, merci ! (rires)
Il y a dans cet album des titres hardcore comme tu le disais. Notamment un feat très cru avec Gradur, ou des sons violents de kalashs dans les titres 'Foumbouni' et 'La Belle Vie'. Quand on sait que le rap est une musique particulièrement écoutée par des ados -qui ont d'ailleurs plus ou moins l'âge de tes enfants- tu n'as pas peur d'avoir une mauvaise influence ?
Je pense que comme à la télé, tous les films ne sont pas bons pour des enfants. Quand tu es parent, tu fais attention à ce que vont regarder tes enfants. Sans oublier que ça reste des films, du divertissement, du cinéma quoi ! Nous on est des artistes, et c'est la même chose. Quand il s'agit de rap, on veut toujours nous faire passer pour des éducateurs ou pour les superman des cités. Mais c'est une musique qui peut s'écouter au second degré aussi. Comme je l'ai déjà dit, quand Johnny Hallyday a chanté Allumer le feu, on n'a vu personne aller dans les forêts et brûler des sapins. Ce n'est pas parce que le rap est une musique urbaine qu'on doit à chaque fois tout prendre à la lettre. Et pour ce qui est des bruits de kalashs, le titre Règlement de comptes est aussi une métaphore avec ce qu'il se passe malheureusement à Marseille. Et le morceau éponyme essaie d'expliquer ce climat électrique.
A côté de ces titres hardcore, il y a aussi des titres aux instrus très club. Tu es un fêtard ?
La vie est belle quand même ! Il ne faut pas passer son temps à se lamenter. J'aime les morceaux festifs comme Y'a rien à faire, La Belle Vie ou Dans son Sac avec Maitre Gims, qui est une inspiration de musique ghanéenne, l'azonto. J'aime faire la fête !
Dans un tout autre style encore, il y a des titres plus sensibles, avec de la fragilité. C'est important de laisser une place à l'émotion, de ne pas cacher cette facette de ta personnalité ?
Je suis un homme ! On fait les gros durs, mais on a toujours une part de sensibilité. Je ne l'ai jamais caché, avec mon groupe comme dans mes albums solo. J'aime beaucoup ce style de morceau. Quand je fais un album, ça reflète mon humeur du moment. Cette fois, le côté rap dur prime, mais tu ne peux pas délaisser la plume non plus. On a nos joies, on a nos peines, et il faut en parler.
Il y a deux ans, tu confiais à Purebreak que les clashs entre Booba et La Fouine "ternissaient l'image du rap et des rappeurs". Aujourd'hui sur cet album, tu signes un duo avec Booba, pourquoi ?
J'ai décidé de faire un feat avec Booba l'artiste. Et Booba l'humain aussi, forcément. C'est la vie, il a eu une période de clash, c'est son problème. J'ai de bons rapports avec lui, il m'avait invité sur un précédent disque, moi je l'ai invité aujourd'hui. Il y a énormément de respect entre lui et moi, et lorsqu'on communique par textos on ne parle pas de clash, mais de musique !
Ton pote Soprano vient d'annoncer un feat avec Rohff, l'ennemi de Booba. Ca ne va pas envenimer la situation ?
[Il explose de rire] Pas du tout ! Chacun est grand, chacun a le choix de faire ce qu'il a envie. Soprano va collaborer avec Rohff, Alonzo va collaborer avec Booba, c'est original et tant mieux !
Sur tes précédents albums solos, il y avait toujours une empreinte des Psy 4 avec un feat de Vincenzo ou de Soprano... Ce n'est pas le cas pour "Règlement de comptes". Tu avais besoin de prendre tes distances ?
C'est volontaire, oui. Je ne suis pas non plus sur le dernier album de Sopra ["Cosmopolitanie", sorti en octobre 2014]. On a fait quatre albums ensemble, une tournée mondiale, on a le même manager, on a les mêmes studios, on se connaît énormément, on s'appelle souvent. Je crois que là on avait un peu besoin de laisser du temps au temps, de se consacrer à nos carrières solos... pour ensuite revenir plus forts !
Si on compare vos deux derniers albums solos, il a un fossé musical énorme. Vous êtes presque à l'opposé. Comment tu expliques cette alchimie des Psy 4 de la Rime, même si vous avez des envies artistiques différentes ?
C'est la magie des Psy 4 ! Si dans un groupe tout le monde est bleu, ce n'est pas intéressant. Ce qui fait la magie du groupe, et qui fait qu'on ait un public aussi large, c'est parce que lui est bleu, moi je suis rouge. Et quand on se retrouve, chacun amène sa pierre à l'édifice, et ça donne des disques d'or !
Sur cet album, il y a des feats avec Booba et Maitre Gims, des artistes déjà affirmés, mais aussi avec Gradur, Lacrim ou Houssein, qui ont une carrière plus jeune. C'est important pour toi de donner un coup de pouce à la nouvelle génération, comme l'avait fait IAM pour les Psy 4 ?
Je n'ai pas l'impression que ce soit des coups de pouce. Un gars comme Gradur, il fait trembler la toile du haut de ses 24 ans, et il n'a pas besoin de moi. S'ils sont tous sur mon disque, c'est parce que j'estime qu'ils sont de bons artistes, tout simplement. Et qu'ils collent de près ou de loin à mon environnement musical. Même Maitre Gims, qui fait des morceaux très mainstream et très ouverts au grand public, je trouve que c'est un génie !
Maintenant que l'album est fini, la prochaine étape c'est la tournée. Tu as hâte ?
J'ai une tournée dans toute la France qui démarre en février. Je vais passer par Lyon, par Paris... et finir en beauté au Dôme de Marseille le 6 juin. Je l'ai fait deux fois avec Psy 4 mais là ce sera une première en solo ! C'est un peu de stress et en même temps beaucoup d'envie. Je veux que ce soit plein, que ça se passe bien et que ce soit une grande fête pour tout Marseille.
La chanson que tu écoutes en boucle ? Laisse moi te dire de Maitre Gims et Mac Tyer
Le dernier film que tu as vu ? [Son réalisateur Mike Miller rentre et lui souffle] La French de Cédric Jimenez, avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche
Ta série préférée ? Je ne suis pas du tout série. Mais de temps en temps je mets E ! et je regarde Kim, Khloé, Kendall [Kardashian] ! (rires)
Ton appli préféré ? Instagram... et l'appli de ma banque !
Ta marque de vêtements préférée ? Balenciaga, Gucci, Louis Vuitton, Versace... mais je vais aussi acheter des pulls et des t-shirts à H&M, comme David Beckham !
Propos recueillis par Louise Wessbecher. Contenu exclusif. Ne pas mentionner sans citer Purebreak.com