Le moins que l'on puisse dire, c'est que François Ruffin n'est pas forcément intarissable sur la "question trans". C'est à dire ? Les droits des personnes transgenres, la lutte contre les violences dites transphobes, mais aussi "l'autodétermination de genre" : le fait de choisir librement son identité au-delà du genre que l'on s'est vu assigner à la naissance.
Des questions auxquelles a pourtant du faire face le député de la Somme lors de la matinale de franceinfo le 1er juin dernier, face au journaliste Marc Fauvelle. Celui qui pourrait très bien prendre la succession de Jean-Luc Mélenchon à la prochaine présidentielle a effectivement été invité à donner son avis sur l'une des grandes mesures du parti de gauche espagnol Podemos : la "ley trans" justement. Soit une loi qui, depuis février dernier, permet aux personnes de seize ans et plus de changer librement de genre.
Pour l'Espagne, c'est une loi simplement révolutionnaire. "Aujourd'hui, nous avons fait un pas de géant, c'est un jour historique", avait assuré suite au vote la ministre espagnole de l'égalité, Irene Montero. Mais faut-il faire la même chose en France ?
"Pour moi, le coeur du sujet, c'est le travail, le partage de la richesse, la démocratie [...] On a une société qui est profondément fracturée en France. Dans ce climat de tension, d'épuisement des esprits, qu'est-ce qu'il faut ? Il faut de l'apaisement, de la stabilité", a répondu le député, un brin évasif. Bon, en gros, une "ley trans" nationale, ce n'est peut être pas pour aujourd'hui...
Face à Marc Fauvelle, François Ruffin explique encore que toutes ces questions ne sont pas vraiment prioritaires. Ce qui compte avant tout ? "Reconstruire des ponts et réparer les fractures, ne pas faire tout ce qui nous passe par la tête". Et peut être éviter, donc, des "lois trop clivantes" comme la loi trans... "Ce n'est pas ça qu'on doit placer au coeur de notre projet. Il faut avancer avec précaution, avec sagesse", abonde l'homme politique.
Mais pourquoi ca dérange, ce genre de déclarations hyper modérées ?
Parce que cette hiérarchisation des "problèmes" que rencontre le pays n'est pas vraiment un discours de gauche. Le magazine référence de la presse LGBTQ Têtu s'en offusque d'ailleurs volontiers : "Cet argument des 'problèmes plus importants de la France' a toujours servi d'excuse aux conservateurs – ou aux dégonflés – pour justifier de ne pas ouvrir les dossiers dits 'de société'... La position de François Ruffin est une régression".
Autre chose : on se dit en écoutant ce discours que la France a quelques trains de retard en terme de prise en compte des droits des personnes trans. On peine carrément à entendre ce mot dans les discours politiques, quel que soit le camp... Alors que nos voisins érigent cela en véritable priorité nationale. Gros malaise, alors que le dernier rapport de l'association SOS Homophobie nous apprend que les violences transphobes auraient augmenté en France... de 27 %. Et que dans notre pays s'observerait une "explosion de la transphobie".
"Mais pour ces élus, les réformes permettant de faire avancer les droits des personnes LGBTQI+, ce sera pour quand on aura réglé le chômage, la guerre en Ukraine, les retraites, le réchauffement climatique... Bref, ce n'est jamais le bon moment", déplore encore Têtu, qui rappelle d'ailleurs qu'en 2022, tous les programmes de gauche promettaient pourtant... la simplification du changement d'état civil pour les personnes trans. Mais ce malaise n'a pas échappé à François Ruffin.
"Hier matin, dès ma sortie du plateau de France info, j'ai dit à mes collabs : 'Ma réponse sur le genre, ça va pas. J'aurais dû rappeler des évidences'. L'évidence, c'est de parler des vies blessées par les humiliations. L'évidence, c'est de garantir l'égalité d'accès à l'école, à l'emploi, au logement. Du Pacs au mariage pour tous, la société française a progressé sur les droits des personnes LGBT+", a expliqué le député sur Twitter.
Un vaste mea culpa pour l'homme politique donc. Avec une bonne dose d'humilité qui ne fait pas de mal. Et François Ruffin de conclure : "La société est mûre pour combler les manques. Je le pense, sincèrement : les gens de notre pays aspirent à une vie digne et apaisée. Cet idéal n'exclut personne, sinon, il n'en est plus un".
Il faut dire que le député et réalisateur Insoumis avait été des plus critiqués après ses mots. Sa consoeur Sophia Chikirou l'avait notamment taclé sur Twitter : "Ce n'est en rien une position de la France insoumise ni du groupe parlementaire. Ce propos, en ce jour, est au mieux maladroit, au pire une faute politique".
Une faute largement admise, donc.