Si je te dis La petite sirène, tu me répondras volontiers "Sous l'océan", Ariel, Sebastian, Henri Salvador... Et bien sûr : Ursula. Super vilaine du classique Disney, tante méchante d'Ariel désireuse de détrôner le Roi des mers et de faire sien le trident royal, Ursula est machiavélique, impériale, monstrueuse, bref, c'est la "bad bitch" ultime.
Une Sorcière des Mers qui impressionne toujours autant, avec son rire sardonique, son attitude de diva destroy et son corps tentaculaire. La version "live action" du dessin animé, en salles depuis ce 24 mai, l'iconise une nouvelle fois d'ailleurs - c'est Melissa McCarthy qui prête ses traits à ce personnage qu'on adore détester. Mais par-delà Disney et le conte de Hans Christian Andersen, Ursula n'est pas née de rien. Non non, la Sorcière puise même ses traits d'une star bien réelle.
Pas la plus connue de toutes, peut être, mais l'une des plus irrévérencieuses, ca oui : la drag queen la plus culte de l'histoire de la pop culture. Rien que ça. Je t'explique.
C'est un secret de Polichinelle dans le milieu cinéphile, de ces anecdotes qui fascinent autant qu'elles étonnent : oui oui, Ursula, un personnage Disney, est en fait le décalque animé d'un emblème de subversion, Harris Glenn Milstead, plus connu sous le nom de Divine. C'est sous ce blaze que s'est imposée dès les années 70 cette drag queen obèse et vulgaire devenue une égérie de la communauté LGBTQ, et surtout de la contre-culture.
Comment ? En tournant dans les films provocateurs de John Waters, cinéaste trash s'étant plu toute sa carrière durant à démolir l'american way of life. Religion, belles petites familles proprettes, rapport au sexe, à la politique, rien n'échappe à John Waters, et c'est bien souvent Divine qui vient sublimer son art, dans des films scandaleux comme Pink Flamingos, Female Trouble, la comédie musicale Hairspray...
Aussi bien vénéré par Elton John et David Bowie que par Andy Warhol, Harris Glenn Milstead s'est fait malgré lui le porte-parole des marginalités en devenant une "reine" sur-maquillée, grosse, exubérante, bigger than life, au langage aussi décomplexé que ses formes.
Quitte à délaisser pour de bon le gamin timide de Baltimore qu'il était en privilégiant le travestissement, et le scandale : ainsi à la fin du film Pink Flamingos, Divine mange goulument... une crotte de chien. Ce qui ne l'empêchait pas de s'inspirer des femmes qu'il n'a jamais cessé d'admirer, comme... Jackie Kennedy et Marilyn Monroe.
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Mais cela n'explique pas pourquoi Divine s'est retrouvée bien malgré elle... "Sous l'océan". En fait, relate The AV Club, cette révérence a été rendue possible grâce à Howard Ashman, parolier de comédies musicales pour Broadway (comme La petite boutique des horreurs) qui était familier du milieu drag et gay. Fort de son expérience musicale, Ashman s'est retrouvé à travailler sur les paroles d'un tout nouveau projet souhaité par Jeffrey Katzenberg et Michael Eisner, à la fin des années 80, La petite sirène.
S'imposant au fil de l'eau dans l'écriture du dessin animé jusqu'à devenir producteur de la chose, le parolier a finalement eu suffisamment de coudées franches pour suggérer ses propres visuels concernant le personnage d'Ursula, dont l'esthétique se cherchait encore. Sous son influence, c'est finalement un animateur, Rob Minkoff (qui réalisera plus tard un autre film culte, Stuart Little) qui a dessiné les premières esquisses d'Ursula en tant que "matrone vampy en surpoids tout droit sortie de Miami Beach".
Un vrai sosie de Divine donc... Qui n'est pas inconnue à Ashman, plutôt persévérant quand il s'agit de mettre en lumière la communauté LGBT à l'écran. Surtout quand il s'agit de cligner de l'oeil à ce que le très mainstream magazine américain People érige la même année en... "Drag queen du siècle" ! Rien que ça, oui.
Divine adorait les pin up ultra glamour et sexy, à la Betty Page, et aimait le faire savoir. En retour, le cinéma aussi lui a délivré une déclaration d'amour, et elle se perçoit notamment à travers ce dessin animé qui a hanté nos enfances à tous. Nous ne le savions pas, mais chaque séance de La petite sirène était, en quelque sorte, une expérience punk. Raison de plus pour aller découvrir la nouvelle production Disney.