Dans son émission Ca commence aujourd'hui, Faustine Bollaert passe au crible selon ses plateaux une ribambelle de sujets touchy - psychos, sentimentaux, médicaux. Et y apporte sa petite touche perso qui change un brin des shows à témoignages traditionnels : de l'empathie. Oui oui, de l'empathie à la télé, il suffisait d'y penser.
Une attention à l'autre prononcée qui incite souvent la présentatrice à dire les termes : mettre des mots précis sur le mal être de son interlocuteur ou son interlocutrice, sans censure et avec tact. Et c'est justement ce qui est arrivé ce 22 mai dans l'émission de France 2, alors que la journaliste s'entretenait avec Christine, une intervenante qui, ado, aurait eu une liaison avec... Claude François. Le chanteur aurait couché avec elle sans son consentement pour sa "première fois". Ce qui s'appelle : un viol. "Je n'emploie pas ce mot-là", a cependant ajouté l'invitée. Mais il n'y a aucun doute pour Faustine Bollaert.
On l'écoute : "Vous savez, on reçoit beaucoup de jeunes femmes sur ce plateau, qui viennent nous raconter ce que vous venez de nous dire : je n'ai pas pu être violée parce que je n'ai pas crié, parce que je n'ai dit pas non, parce qu'un homme aussi bien ne peut pas avoir commis ca... Et bien, si, en fait".
Faustine Bollaert enchaîne, très animée par le sujet : "Si vous n'avez pas donné votre consentement, vous avez été violée. Peu importe qui est l'agresseur. En tant que femme, au-delà de Claude François ou n'importe qui, je ne peux pas entendre ça sans m'insurger, et avoir envie d'embrasser la jeune femme qui est là sur ce plateau".
Tu as compris que c'était un échange riche en émotions, ne serait-ce qu'avec la voix bien chargée de la journaliste. Mais c'est aussi une séquence super importante. Pourquoi ? Déjà, car une accusation portée envers une star, ce n'est jamais simple pour la victime, comme peuvent en témoigner toutes celles qui se sont inscrites dans la vague #MeToo. Mais surtout, car on a toujours autant de mal à dire le mot "viol" en France.
Il faut appeler un viol, un viol. Car quand on passe son temps à euphémiser les faits, on participe à un phénomène qui porte un nom : la culture du viol. Soit le fait de minimiser les agressions sexuelles, dans les films, la pub, les médias, dans la vie, et, du coup, de les normaliser, voire même de les glamouriser. Exemple ? 1 Français sur 5 considère que forcer son conjoint à avoir des rapports sexuels "n'est pas un viol" : c'est une enquête de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie qui le dit.
D'ailleurs, longtemps, on a parlé de "devoir conjugal" quand il s'agissait, tout simplement, de "viol conjugal". Mémoire Traumatique nous a également appris que pour 20% des 18-24 ans, "forcer une personne à avoir un rapport sexuel alors qu'elle refuse", ce n'est pas un viol. Mais en fait, tout cela s'observe encore plus tôt.
Et cela, c'est le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes qui l'affirme. Selon le "HCE", les cours d'école déborderaient déjà de culture de viol, et elle prend plein de formes : harcèlement, insultes sexistes, sans oublier le cyberharcèlement. Un jeune sur quatre aurait déjà subi "des rapports sexuels non consentis". Sans compter les injures, les remarques sur le physique qui concerneraient plus d'une jeune fille sur deux...
Si le concept de "culture du viol" t'intrigue d'ailleurs, tu devrais lire un bouquin de référence sur le sujet : En finir avec la culture du viol de la chercheuse Noémie Renard. Tu verras à quel point ce phénomène concerne tout le monde. Et qu'on peut l'associer à plein d'idées reçues et de préjugés sur la sexualité.
C'est pour cela que mine de rien, ce que fait Faustine Bollaert, ce qu'elle dit, ce sur quoi elle insiste, est essentiel sur une chaîne du service public. En tout cas pour la journaliste, le message semble bien passé pour tout le monde. Elle conclut d'ailleurs sur le plateau : "Je pense que c'est important pour tous les jeunes qui nous regardent, de dire que c'est un viol. Quand on dit non, c'est un viol. Quand on vous enferme à clé dans une pièce, c'est un viol. Mon coeur de femme est tellement près du vôtre".
Une séquence si importante aux yeux de l'animatrice qu'elle s'est permise de le rappeler, encore une fois, l'espace d'un tweet : "L'histoire insupportable de Christine m'a révoltée. Il faut utiliser les mots justes".